Les mauvaises épouses, Zoé Brisby

Les mauvaises épouses

Zoé Brisby

Éditions Albin Michel

Quatrième de couverture

Summer ira peut-être en enfer mais elle ira avec Charlie…

Las Vegas, 1952 : Elvis, Marilyn, l’Amérique en pleine guerre froide.

Summer et son mari vivent dans le désert du Nevada une base militaire chargée d’étudier la bombe atomique. A chaque lancer, ils sont aux premières loges et il n’y a que Summer pour ne pas savourer le spectacle. En bonne épouse, elle joue le jeu et organise des apéritifs atomiques.

Sa docilité volera en éclat avec l’arrivée d’une autre bombe sur la base, Charlie.

Elle est tout ce que Summer n’est pas : forte, indépendante et sensuelle…

Tandis que les hommes s’extasient sur le miracle de la science et la puissance de l’Amérique, Summer et Charlie décident de prendre en main leur destin.

Zoe Brisby signe un roman intense et palpitant sur deux femmes qui font un choix de vie : celui d’être libres.

Mon avis

1952, Las Vegas, dans le désert du Nevada. Summer est mariée à Edward, le directeur scientifique de la base militaire NTS. Chaque mois, à Artemisia Lane, les familles assistent au lancer d’une bombe et fêtent l’évènement par des barbecues « atomiques ». Les femmes rivalisent d’idées pour organiser le plus réussi. La carrière de leur mari en dépend. Chaque jour, quand les hommes partent travailler, elles remplissent leurs tâches de bonnes épouses.

Summer ressent un malaise au sujet des essais nucléaires et de leur célébration, mais elle ne peut pas l’exprimer. C’est la guerre froide, la menace communiste est dans tous les esprits : elle doit être patriote et applaudir la course à l’armement. « Peut-on à la fois aimer et détester quelque chose ? […] Oui, la preuve, elle aime Edward autant qu’elle le déteste. » (p. 14) Tandis que les journalistes et les touristes font des milliers de kilomètres pour assister aux explosions, Summer ne supporte pas les protocoles qui les permettent. Elle ne peut confier à personne son débat intérieur. Cependant, ses pensées dévoilent ce que l’armée ne révèle pas : ville fantôme, animaux cobayes, mise en danger des vies humaines… Les congratulations sont la règle… elle nous confie la vérité sur les expériences.

Alors que la menace nucléaire est, régulièrement, brandie, le récit des conditions, dans lesquelles les avancées ont été menées, est glaçant. Zoé Brisby montre la réalité et la perception biaisée de la communauté, qui y travaille et vit à proximité. Les hommes espèrent la reconnaissance de leur hiérarchie, les femmes s’emploient à être de bonnes maîtresses de maison et à développer leur influence et leur supériorité sur leurs voisines. Tous pensent œuvrer pour le bien de la nation, en toute sécurité. J’ai été consternée par le machiavélisme de la manipulation militaire et politique.

Summer n’a personne à qui confier ses doutes. Aussi, l’emménagement de Charlie est une révolution dans son existence codée. La nouvelle semble indépendante, rebelle, non conformiste et sensuelle. Avec ses escarpins rouges, son arrivée n’est pas passée inaperçue. Le rapprochement des deux voisines commence par des cris : ceux que la femme du directeur scientifique entend et que les autres préfèrent occulter. Charlie est un détonateur dans la vie de Summer. Elle lui offre le droit de rêver. Auprès d’elle, elle ose s’affranchir des apparences, même si c’est dans le secret. Elles sont deux femmes face à la société, qui espèrent et se projettent. Pourront-elles être libres ?

J’ai aimé les personnages de ce roman. J’ai été touchée par les envies d’émancipation de Summer, sa lutte entre les codes de la société et ses aspirants. J’ai été émue par les secrets de Charlie et par le contraste entre sa personnalité flamboyante et la cruauté des faits masqués par la suprématie des apparences. J’ai été attendrie par Mrs Burns, une vieille femme lucide et douce. Enfin, j’ai adoré détester l’infâme Lucy, celle qui se considère pour la reine d’Astoria Lane.

Les mauvaises épouses est un roman sensible qui dénonce la réalité des essais nucléaires, dans le Nevada, pendant plus d’une décennie. Il provoque une réflexion sur les sacrifices de la science. La nécessité du pouvoir de dissuasion a été rappelée, de manière atroce, par la guerre en Ukraine ; ce livre dépeint les mensonges sur sa conception. Il est aussi une photographie de la condition féminine des années 1950, à travers les désirs d’émancipation, les violences conjugales, le poids des apparences, etc. C’est un coup de cœur pour moi.

Je remercie sincèrement l’agence Gilles Paris et les Éditions Albin Michel pour ce service presse.

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