Arpenter la nuit, Leila Mottley

Arpenter la nuit

Leila Mottley

Éditions Albin Michel

Collection Terres d’Amérique

Traduction de Pauline Loquin

Quatrième de couverture

En Californie, une adolescente noire est décidée à survivre, coûte que coûte, dans un monde qui se refuse à la protéger. Un premier roman coup de poing. 

Kiara, dix-sept ans, et son frère aîné Marcus vivotent dans un immeuble d’East Oakland. Livrés à eux-mêmes, ils ont vu leur famille fracturée par la mort et par la prison. Si Marcus rêve de faire carrière dans le rap, sa sœur se démène pour trouver du travail et payer le loyer. Mais les dettes s’accumulent et l’expulsion approche.

Un soir, ce qui commence comme un malentendu avec un inconnu devient aux yeux de Kiara le seul moyen de s’en sortir. Elle décide de vendre son corps, d’arpenter la nuit. Rien ne l’a pourtant préparée à la violence de cet univers, et surtout pas la banale arrestation va la précipiter dans un enfer qu’elle n’aurait jamais imaginé.

Un roman à la beauté brute, porté par la langue à fleur de peau de Leila Mottley.

Mon avis

Un père décédé, une mère en centre de réinsertion, un frère qui rêve de percer dans le rap et une voisine qui délaisse son enfant : toutes les responsabilités pèsent sur Kiara. A dix-sept ans, elle est seule à se préoccuper des menaces d’expulsion de leur logement. Sans expérience à inscrire sur son C.V, elle ne trouve pas de travail.

Un soir, sans comprendre vraiment ce qui lui arrive, elle suit un homme qui l’invite dans un coin tranquille. C’est un blanc, avec une cravate à pois. Alors qu’il lui vole sa virginité, elle est submergée par le goût à la cerise de l’alcool qu’elle a bu. Avant de partir, il lui donne deux billets de cent dollars. Ce même soir, elle rencontre Camilla qui repère, immédiatement, la débutante et tente de la recruter. Le lendemain, Kiara arpente la nuit. Sa jupe courte et son haut en maille trahissent ses intentions. Pourtant, elle essaie de trouver d’autres chances de survie, mais les portes ne s’ouvrent pas. La journée, elle est une adolescente qui joue avec Trevor, un gamin de neuf ans, qu’elle a pris sous son aile. Il est le fils de sa voisine, une mère démissionnaire, envolée sans date de retour annoncée. La nuit, Kiara vend son corps pour manger. Elle a peur, elle demande à son frère aîné de se remuer pour qu’ils ne finissent pas à la rue. Sans effet. Alors, elle arpente la nuit. « J’ai un corps et une famille qui a besoin de moi, alors je me suis résignée à faire ce qu’il faut pour nous garder ensemble : je suis allée retrouver la rue et tout son bleu. » (p. 138)

Le danger est omniprésent. Alors qu’un homme utilise son corps, sans la payer, une sirène se fait entendre. « Tu sais que la prostitution est un délit ? […] On va devoir t’emmener pour ton bien. » (p. 142). La jeune fille est prise dans un engrenage terrifiant, où ceux censés faire appliquer la loi et veiller à la sécurité des citoyens, tirent des ficelles diaboliques. Kiara ne peut plus s’échapper. Les billets ne pleuvent que de manière spasmodique, la violence est continuelle et le chantage empêche toute fuite ou résistance. Le piège est refermé sur elle, pourtant, elle ne s’effondre pas. Elle est déterminée à survivre, à protéger Trevor et à attendre le sursaut de son frère, Marcus. Elle est une enfant dans le corps d’une femme, qui affronte avec lucidité, dignité et sensibilité, l’effondrement de son innocence et la perversité de certains hommes qui se servent de leur pouvoir pour asservir les femmes et les minorités. Sa maturité, ses désillusions, sa vulnérabilité et sa détermination à sauver son univers sont bouleversantes. Alors qu’elle vit un enfer, elle continue à aimer, à protéger ceux qui n’ont plus qu’elle et à espérer. Ce roman est dur, cependant, il est magnifique. Dans le noir de la nuit, percent les rayons de lumière du jour. Au côté de Kiara, nous aspirons à ce que ces derniers écartent l’obscurité et l’envahissent.

Leila Mottley est âgée de dix-neuf ans. Elle en avait dix-sept, quand elle a débuté l’écriture de Arpenter la nuit. C’est impressionnant. En effet, ce livre est d’une finesse extraordinaire, il possède une maîtrise et une analyse fascinantes et il est porté par une plume poétique et hypnotisante. La violence des faits et la beauté des sentiments d’une jeune fille perdue, mais pas sans espérances, se rencontrent et fusionnent, donnant naissance à une histoire âpre, aux fulgurances tendres, aux émotions profondes et à la révolte déchirante. C’est un roman sublime. C’est un coup de cœur pour moi.

Je remercie sincèrement Francis des Éditions Albin Michel pour ce service presse.

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