Les trois vies de Miss Belly, Judith Rapet

Les trois vies de Miss Belly

Judith Rapet

Éditions de Borée

Présentation de l’éditeur

Célestine, 16 ans, est une jeune fille heureuse : apprentie couturière, elle est particulièrement douée pour inventer de nouveaux modèles. Mais son mariage avec le pâtissier du village est un enfer. Jeune épouse battue et exploitée, elle quitte son mari pour suivre Ferdinand, son nouvel amour, aux États-Unis. S’ouvre alors à eux une vie moderne, dans un pays en plein développement. Célestine développe sa ligne de vêtements, tandis que Ferdinand dirige la succursale d’une usine à Los Angeles. À la disparition accidentelle de son compagnon dans un tremblement de terre, Célestine revient en France retrouver sa patrie et les siens, et démarre une troisième vie, plus rangée, sur le Vieux Continent, où la Première Guerre mondiale ne tarde pas à débuter…

Mon avis

Célestine a vécu trois vies.

La première, avec Jean, qu’elle rencontre alors qu’elle a seize ans. Apprentie couturière, elle est très créative et heureuse. Or, son amoureux montre son vrai visage, le soir des noces. C’est une vie de femme battue et enfermée qui commence. Or, en 1887, elle ne peut pas divorcer sans prouver la tyrannie de son mari. Ce dernier, pâtissier, ne veut pas perdre la main-d’œuvre gratuite que représente son épouse et sait sauver les apparences.

Célestine fait la connaissance de Ferdinand, un représentant de commerce, avec qui elle entame une relation secrète. Son amant veut la sauver des griffes de Jean. Il lui propose de commencer une nouvelle vie, en Amérique. Auprès de cet homme bon, elle peut enfin mettre en valeur son talent de créatrice et de couturière. Elle est enfin libre. Elle vit en concubinage avec son nouvel amour : dans ce nouveau pays, ils passent pour un couple marié. Cette union est basée sur le respect.

Dans sa troisième vie, Célestine revient dans sa Charente natale. Elle est la femme qui a quitté son époux pour fuir avec un autre et elle doit faire face aux commérages.

Dans Les Trois Vies de Miss BellyJudith Rapet rend hommage à sa grand-tante, une femme valeureuse et avant-gardiste, qui a pris son existence en main, à une époque pendant laquelle les hommes régnaient sur les femmes. Elle a eu le courage de se défaire du carcan d’un homme violent et de recommencer, plusieurs fois, sa vie. Elle possédait, également, de grandes qualités de cœur et elle a fait preuve de générosité pour combler les manquements de personnes malhonnêtes. Elle était intelligente et elle analysait très vite les situations, même lorsqu’elle les subissait. J’ai été passionnée par son destin et par sa personnalité. C’est une femme très attachante.

A travers son héroïne, l’auteure décrit un monde en pleine mutation. Célestine a développé une ligne de vêtements. L’évolution de la mode est calquée sur celle des mœurs. Plus les femmes se sont libérées, moins les vêtements les ont enfermées. Judith Rapet raconte l’historique de l’apparition de l’automobile et ses conséquences sur certains métiers de l’artisanat et sur l’urbanisme. Célestine les a perçues avant sa famille demeurée en France, dans son village natal, car ces changements sont apparus plus tardivement qu’aux États-Unis. Ce roman dépeint aussi l’immigration sur ce continent, les rêves de nouveau monde qui ont accompagné ceux qui ont tenté l’aventure. Il met en exergue les différences de traitement entre ceux qui ont voyagé en première classe et ceux qui ont fait la traversée en troisième classe : les formalités n’étaient pas les mêmes et les chances de rester sur le sol américain étaient plus réduites si vous n’aviez pas d’argent.

Enfin, le thème principal est la condition de la femme, à la fin du XIXe siècle et début du XXe. Il a fallu beaucoup d’audace et de courage à Célestine pour oser être une femme libre, dans une société patriarcale, dans laquelle le fait d’être battue n’était pas une raison suffisante pour divorcer. La fuite était son seul espoir, avant une issue dramatique. Sans Ferdinand, aurait-elle survécu à la violence de son époux ? Hélas, une fois encore, il a fallu un homme pour la sauver, les lois ne protégeaient absolument pas les femmes. Et pourtant, malgré l’évolution des textes, les faits nous rappellent que des femmes continuent à mourir sous les coups de leur conjoint.

J’ai eu un coup de cœur pour Les trois vies de Miss Belly, cette femme forte qui a su arracher son indépendance à la domination masculine.

Je remercie sincèrement Virginie des Éditions de Borée pour ce service presse.

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