
Fracture
Eliza Griswold
Éditions Globe
Quatrième de couverture
Stacey rêve. Cette petite ferme de trois hectares où vit sa famille depuis cent cinquante ans, elle aimerait pouvoir la transmettre en bon état à ses deux enfants, avec toute la ménagerie, âne, chèvres, cochons, poules et lapins. Pour réparer la grange branlante, son salaire d’infirmière divorcée ne suffit pas.
Stacey espère. De nombreux habitants de la région dévastée des Appalaches se sont récemment enrichis en louant leurs terres aux entreprises d’extraction de gaz de schiste. Après avoir fourni en abondance du pétrole et du charbon pour les aciéries, leur sous-sol n’a pas dit son dernier mot.
Stacey relève la tête. Comme beaucoup d’Américains, elle en a marre de voir des jeunes partir faire la guerre en Irak pour le pétrole. Et si l’indépendance énergétique de la patrie était pour demain ?
Stacey signe, le 30 décembre 2008, un bail avec Range Resources, l’entreprise leader de fracturation hydraulique. Deux ans et demi plus tard, son fils de quinze ans pèse cinquante-sept kilos pour un mètre quatre-vingt-cinq. On lui diagnostique un empoisonnement à l’arsenic. Stacey rencontre Eliza Griswold venue assister à une réunion d’agriculteurs inquiets. Il faudra sept ans d’enquête patiente, acharnée et scrupuleuse à la journaliste pour poser toutes ses questions et établir non pas une, mais des vérités qui dérangent.
Mon avis
Stacey est infirmière et elle est une maman divorcée qui élève seule ses deux enfants Harley et Paige. Cette Américaine possède une ferme, qui est dans sa famille depuis cent-cinquante ans, et qui aurait besoin d’être rénovée. Ce n’est pas avec son salaire qu’elle peut entreprendre les travaux, aussi elle accepte de louer ses terres à Range Resources, une société de fracturation hydraulique.
Mais son fils tombe malade : il ne pèse plus que cinquante-sept kilos pour un mètre quatre-vingt-cinq, il ne peut plus être scolarisé, car il passe ses journées dans un fauteuil incliné. Les animaux de la famille et de ses voisins meurent ou donnent naissance à des petits avec des malformations. L’eau du puits semble contaminée. Aussi, Stacey alerte l’industriel. Or, celui-ci réfute toute responsabilité. La mère de famille débute un combat qui pourrait se résumer au pot de terre contre le pot de fer. Même les services publics semblent être à la solde des entreprises de fracturation. Stacey dépense de l’argent pour procéder à des tests. Les résultats sont effroyables : son fils subit un empoisonnement à l’arsenic et au benzène. Alors que les tests révèlent que ces substances sont présentes dans les terres de la famille, elles n’apparaissent pas dans les tests fournis par Range Resources.
Quelques années après le début de la bataille de Stacey contre la fracturation, Eliza Griswold rencontre cette femme désespérée. Pendant sept ans, elle va mener l’enquête. Elle relate les démarches juridiques, menées par deux avocats, les entretiens des victimes avec Range Resources et avec l’EPA, un organisme censé protéger les citoyens, la dégradation de la santé de Stacey et de ses enfants, les conséquences terribles : financières, organisationnelles, familiales, etc.
L’enquête est extrêmement documentée et montre non seulement l’impact sur la santé des personnes concernées, mais aussi celui émotionnel. Le sujet fait froid dans le dos, car on comprend qu’on pourrait l’étendre à beaucoup de domaines, que nous citoyens, ne soupçonnons pas. Les démarches sont très détaillées, cependant, Fracture se lit comme un roman. En effet, l’auteure s’est attachée à centrer son récit sur l’humain. Je n’ai pas l’habitude de lire ce genre de récit et j’avoue que la lecture m’a semblé parfois difficile. Ce sentiment ne provient pas du livre, car les éléments scientifiques sont vulgarisés pour être compris de tous et Stacey et sa famille sont vraiment au cœur de l’enquête. De plus, le style d’Eliza Griswold est vivant. C’est simplement une question de zone de confort. Fracture a reçu le Prix Pulitzer non-fiction 2019. C’est une histoire édifiante, malheureusement réelle, qui prouve avec quelle force les intérêts financiers et politiques détruisent l’humain.
Je remercie sincèrement les Éditions Globe et l’Agence La Bande pour ce service presse.