L’enfant du volcan, Léo et Ghyslène Marin

L’enfant du volcan

Léo et Ghyslène Marin

Éditions Albin Michel

Quatrième de couverture

Saint-Avre, village de la Creuse vidé par l’exode rural. Le château, devenu un orphelinat, vient d’accueillir des enfants d’ailleurs, dont Mila, une petite Réunionnaise, arrachée à son île et à sa famille. La fillette trouve auprès d’Ernestine et d’Hector, les épiciers du village, un peu de réconfort. Or, l’attachement profond qui se crée entre ce couple sans enfant mais débordant d’amour et cette gamine livrée à la solitude et au racisme semble contrarier les autorités administratives…

Avec son fils Léo, Ghyslène Marin, puisant aux sources de son propre passé, signe un roman où la fiction se mêle à l’histoire. Au-delà de la grande sensibilité avec laquelle il décrit le lien qui se crée entre des êtres blessés, L’Enfant du volcan donne chair à cet invraisemblable drame vécu par des milliers d’enfants déplacés entre 1962 et 1984 vers des communes dépeuplées de la métropole, dans une totale indifférence.

Mon avis

Après la guerre, le village de Saint-Avre, dans la Creuse, s’est vidé. Les écoles ont fermé, seul l’hospice a résisté. En 1969, le Département a alors décidé de le réaffecter. Pour contrer l’exode rural, il a d’abord été destiné à devenir un établissement d’accueil pour les enfants atteints de maladies tuberculiniques. Ils sont arrivés par petits groupes. Ils étaient pleins d’énergie, ne semblaient pas avoir de problème de santé. Certains villageois ont fait part de leur mécontentement. « On les trouvait bruyants, mal-élevés et querelleurs. On n’aimait pas leur teint basané, leurs yeux bridés, leurs bouches trop grandes. On n’aimait pas certains prénoms qui ne figuraient pas dans le calendrier des saints. » (p. 61) Ils s’appelaient Mila, Tiago, Rose-Neige, etc. et ils étaient orphelins.

Ernestine et Hector étaient les seuls à apprécier la vivacité de cette jeunesse. Propriétaires de l’épicerie, ils étaient indulgents avec cette clientèle indisciplinée. Hector monta même un stand d’articles de plage, alors qu’il n’y avait pas la mer aux alentours. « Pour faire rêver les gosses ». Ernestine avait vingt-cinq ans quand ses parents l’ont forcée à se marier. Elle n’aimait pas celui qui était surnommé « le Demeuré ». Après la guerre, elle l’a vu de manière différente. Hélas, ils n’ont pas eu d’enfants.

En 1973, la gestion de l’orphelinat a été confiée à deux femmes à l’allure aristocratique. Elles étalent sœurs. Cette même année, est arrivée Mila, âgée de neuf ans. Elle venait de la Réunion. Pour peupler les campagnes métropolitaines, des enfants ont été arrachés à leur île. La liste de critères pour les enlever à leur famille s’était étoffée. « Pendant deux décennies, l’exportation d’enfants se poursuivit. Les parents se trouvaient confortés par l’assurance qu’on leur donnait que leurs enfants reviendraient passer les vacances sur l’île. Aux enfants, on promettait une instruction : ils deviendraient médecins, avocats, banquiers. » (p. 68) Deux mille cent cinquante enfants furent transférés.

Le jour des obsèques d’une des demoiselles qui tenaient l’établissement, Hector se meurt. Ernestine déroule ses souvenirs et s’attarde sur ceux qui concernent Mila. Elle raconte leur rencontre et l’attachement du couple à la petite déracinée. Sa vivacité emplissait leur vie et ils auraient tant aimé lui offrir ce qu’elle recherchait. Mais l’administration remplit des lignes et ne se préoccupe pas des sentiments. Auprès du vieux couple, l’enfant s’est dévoilée et s’est transformée. Auprès d’elle, Ernestine et Hector se sont ouverts. Tous trois se sont apprivoisés et aimés. Hector, que tous appelaient « le Demeuré », a offert le respect et la liberté d’être elle-même à la petite ; Ernestine lui a donné sa patience et son écoute. Hélas, les autorités n’aiment pas que les règles soient contournées.

Avec son fils Léo, Ghyslène Marin, a fait appel à son histoire pour écrire L’enfant du volcan, un roman poignant dans lequel la fiction se mêle à la réalité. J’ai aimé la petite Mila, qui cachait ses souffrances sous une carapace d’impertinence. Je me suis énormément attachée à Ernestine et à Hector qui, avec abnégation, se sont employés à adoucir son quotidien et à lui proposer une image de bonheur. Tous trois m’ont émue et j’ai aimé la délicatesse avec laquelle sont décrits leurs liens. J’ai été en colère envers l’Etat français, qui a utilisé des enfants à des fins démographiques, sans hésiter à détruire des vies. J’ai été touchée par la sensibilité du récit : les sentiments d’Ernestine sont dépeints avec pudeur et émotion. J’ai adoré L’enfant du volcan.

Je remercie sincèrement l’Agence Gilles Paris et les Éditions Albin Michel pour ce service presse.

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