Le Café du Centre, Éric Bohème

Le Café du Centre

Éric Bohème

Editions de Borée

Quatrième de couverture

Dans la ville de Mehun-sur-Yèvre à côté de Bourges, Henri, le patron et barman du Café-restaurant du Centre aime être le premier au courant des événements et discussions qui animent la ville. Un jour, un homme que personne ne connaît entre dans son café. Rapidement surnommé L’Inconnu, il s’installe et établit rapidement un rituel quotidien : il dort à l’hôtel, prend son petit-déjeuner dans un autre café, se balade puis vient dans celui d’Henri, s’assoit toujours à la même place et lit la presse pendant des heures…


Il reste très mystérieux sur le motif de son séjour. Henri, qui n’est pas habitué à tant de mystère, est de plus en plus perturbé de ne pas être dans la maîtrise des choses. Et quand L’Inconnu se met à poser des questions sur les agissements des uns et des autres lors de l’Occupation, Henri se met rapidement sur la défensive. Une bourgade qui s’anime sous la plume authentique de son auteur, hésitant entre soif de modernité et attachement au passé.


Un récit qui se passe à un moment charnière de l’histoire de cette ville (et donc de la France) avec l’ouverture de son premier supermarché, d’un diner américain en face du café traditionnel.

Mon avis

Le Café du Centre, tenu par Henri et Chantal, est le cœur de la ville de Mehun-sur-Yèvre. Les murs enferment de nombreuses discussions, des négociations, des confessions. Beaucoup de décisions sont prises dans ce lieu ; le cafetier les connaît avant qu’elles ne soient officialisées. Sans prendre part aux débats, il aime analyser les divergences et les accords. Ses clients sont des habitués, aussi, l’entrée du voyageur, dans l’établissement, ne passe pas inaperçue. Le premier regard qu’il lance à Henri déstabilise ce dernier : « Je me suis senti scruté comme si j’étais suspect. » (p. 17) 

Celui qui est, immédiatement, surnommé l’Inconnu, s’installe dans le bourg. Son quotidien est rythmé de rituels, il pose des questions sur l’Occupation, lit la presse de cette époque et, tous les jours, il s’assoit à la même place dans le café d’Henri, à qui il adresse des propos sibyllins. Ce dernier cache mal son exaspération et sa fébrilité. L’Inconnu est entouré d’une aura de mystère. Pourquoi s’intéresse-t-il à des faits qui remontent à plus de vingt ans ?

Mehun-sur-Yèvre est en émoi. Les habitants se sentent jugés. Les héros sont morts sous la torture, les collaborateurs ont fui. Ceux qui restent sont ceux qui ont tenté de survivre et ils craignent que leurs secrets soient révélés. « Cette période nous dépassait, les événements qui nous sont tombés dessus nous ont rendu fous et aucun d’entre nous ne peut être totalement satisfait de sa conduite à cette époque. » (p. 232) Or, l’Inconnu semble déterminé à déterrer le passé et à l’examiner avec les yeux du présent. Son attitude et ses recherches délient les langues et provoquent des évènements dramatiques, mais aussi des rapprochements.

Le Café du Centre retrace la terrible période de l’Occupation. Eric Bohème confronte la perception de l’après-guerre à la réalité de ceux qui l’ont vécu. Il rappelle qu’il est dangereux de juger, avec le recul de l’Histoire, et qu’il est impossible d’entrevoir l’attitude qui aurait été la nôtre. L’intrigue est mystérieuse, car les intentions de l’Inconnu et les actes de chacun ne sont, réellement, dévoilés qu’à la fin. Des indices parsèment le récit, mais nous n’avons pas une vision d’ensemble. Cette manière de raconter nous confronte à nos préjugés, nos réactions premières et attise notre besoin de connaître tous les faits, pour ne pas juger et pour comprendre. Elle montre l’importance de soupeser les mots, de les placer dans leur contexte, elle rappelle leur pouvoir, ainsi que celui des silences. J’ai adoré être malmenée dans mes certitudes et mes réactions. J’ai aimé douter, espérer, m’inquiéter et me tromper. J’ai été captivée par les mystères, renforcés par les phrases à double sens. 

Le café du Centre est un roman sensible sur la difficile reconstruction personnelle d’après-guerre, teintée de remords et de regrets. J’ai adoré.

Je remercie sincèrement Virginie des Éditions de Borée pour ce service presse.

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