Fièvres rouges, Judith Rocheman

Fièvres rouges

Judith Rocheman

Editions Plon

Quatrième de couverture

Julia Guzmán, fille d’un républicain espagnol mort pendant la guerre civile, agit avec la même ferveur qui habitait son père autrefois. Il lui a légué la mission de ne jamais faiblir dans la lutte contre le fascisme. C’est donc avec détermination qu’elle s’engage au lendemain de la guerre dans la cellule communiste de la place d’Italie pour porter les idées du camarade Staline. Elle est accueillie par un certain Sergueï Dimitrov, membre très actif du Parti, mais malgré les tentatives de ce dernier pour la séduire, c’est de sa femme, Émilie, dont Julia se sent proche. Une idylle secrète naît dans ce monde d’hommes où les femmes n’ont pas leur place.


Dans l’intimité de ce trio sous haute tension, une autre guerre froide se joue. Un combat secret et sans arme qui pourrait bien ébranler les convictions les plus fortes de Julia…


Un premier roman qui livre une vision féminine, juste et poignante du militantisme des années 50, annonciateur du réveil du deuxième sexe. 

Mon avis

Le père de Julia, un républicain espagnol, est mort au combat en 1937 ; son beau-père a été tué par les nazis. A la fin de la guerre, elle a obtenu son bac et a intégré une école de journalisme. En 1951, elle adhère au Parti communiste. Un mois après son engagement, elle participe à sa première réunion. Celle-ci se déroule avenue d’Italie, dans l’appartement de Sergueï et Émilie Dimitrov. 

L’homme est sensible à la beauté de la jeune fille, aussi, il désire faciliter son intronisation et espère la séduire. Lorsque Julia indique qu’elle cherche une chambre à louer, il propose la pièce qu’Emilie a transformée en atelier de création. Contrairement à ses attentes, les deux femmes se rapprochent. Le séducteur patenté est évincé par les charmes et la sensibilité de son épouse. Julia et Emilie entament une liaison clandestine. Lorsqu’il l’apprend, il se venge de la pire des manières. Décidé à faire mal, il n’appréhende pas que son acte monstrueux pourrait le mener à sa propre perte. En effet, lui aussi, cache des secrets.

Fièvres rouges est une immersion dans le militantisme communiste des années 50. Au départ, en raison de mon fort attachement à Julia et à Emilie, je m’identifiais à elles, oubliant que je ne partageais pas leurs idéaux. En effet, l’auteure parvient à nous plonger dans le contexte de l’époque, avec les attentes et les espoirs, quand les barbaries staliniennes n’étaient encore pas connues. Ma haine se dirigeait, naturellement, contre les ennemis des deux amoureuses. Je condamnais les trahisons de ceux-ci de manière émotionnelle.

Or, les personnages ne sont pas manichéens. Des êtres détestables se battent au nom de la liberté, d’autres luttent pour leurs espérances, avec sincérité et générosité, sans percevoir que leur cause contient des failles. Aveuglés par le manque d’informations, leur loyauté irréprochable engendre des drames terribles. Ce roman démontre que seuls les actes d’une personne révèlent sa personnalité. 

Un des axes de ce roman est, justement, le culte de la personnalité de Staline. Il montre de quelle manière, il a pu se propager. Les Communistes français n’avaient pas le recul de l’Histoire. Les purges, l’Horodamor (que j’ai évoqué dans une précédente chronique), etc. n’étaient pas connus. Les partisans adhéraient à une doctrine à laquelle ils croyaient avec ferveur. Julia, Emilie et leur amie Betty sont touchantes, car elles sont exaltées par une fièvre de justice. Leurs actions sont motivées par l’envie d’un monde meilleur.

Une autre thématique est l’homosexualité. J’ai aimé la sensibilité avec laquelle l’auteure s’en est emparée. L’amour qui unit les deux amantes est magnifique. Leurs sentiments sont sincères, elles sont attentives l’une à l’autre, elles s’épaulent et elles sont émouvantes dans leurs différences : elles se respectent. L’une est une maman au foyer, l’autre rêve de carrière et leurs univers se rejoignent. J’ai, aussi, aimé la place de l’amitié et de l’entraide féminine. Ces deux valeurs s’expriment, particulièrement, à travers le personnage de Betty, une infirmière qui œuvre, à son niveau, pour la condition féminine. Son soutien est essentiel dans les épreuves que subissent les deux héroïnes. En effet, l‘histoire est belle, mais tragique.

Fièvres rouges est le premier roman de Judith Rocheman et, pour moi, c’est un immense coup de cœur. J’ai adoré cette plongée féminine dans le militantisme communiste des années 50, aux côtés de femmes émouvantes et généreuses.

Je remercie sincèrement Constance des Éditions Plon pour ce service presse.

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