Le guerrier de porcelaine, Mathias Malzieu

Le guerrier de porcelaine

Mathias Malzieu

Editions Albin Michel

Quatrième de couverture

En juin 1944, le père de Mathias, le petit Mainou, neuf ans, vient de perdre sa mère, morte en couches. On décide de l’envoyer, caché dans une charrette à foin, par-delà la ligne de démarcation, chez sa grand-mère qui a une ferme en Lorraine. Ce sont ces derniers mois de guerre, vus à hauteur d’enfant, que fait revivre Mathias Malzieu, mêlant sa voix à celle de son père. Mainou va rencontrer cette famille qu’il ne connaît pas encore, découvrir avec l’oncle Emile le pouvoir de l’imagination, trouver la force de faire son deuil et de survivre dans une France occupée. 

Il aura fallu plus de six ans à Mathias Malzieu pour écrire ce Guerrier de porcelaine, son roman le plus intime, où, alliant humour et poésie, il retrace l’enfance de son père et s’interroge sur les liens puissants de la filiation.

Mon avis

La nuit du 3 au 4 juin 1944, le petit Mainou perd sa maman. Alors que la famille devait s’agrandir avec la naissance d’une petite sœur, Mireille, elle a été amputée : Elise et le bébé sont morts. « Il faut remplir deux valises et deux cercueils » (p. 15). Le papa de Mainou doit retourner combattre les Allemands. Le petit est alors confié à sa famille maternelle, installée en Lorraine, en zone occupée. Le garçon, âgé de neuf ans, franchit la ligne de démarcation, caché dans une charrette à foin, « la gorge nouée par une angine de questions » (p. 17). Il est accueilli par sa grand-mère, sa tante Louise et son oncle Émile. Auprès d’eux, il passe presque une année, à se cacher des Allemands, entouré du fantôme de sa maman et de l’amour de ses proches qu’il ne connaissait pas.

Mainou parle à sa maman et il lui écrit des lettres, dans un carnet. Ses mots sont magnifiques, l’émotion atteint notre cœur à travers les images qu’ils évoquent. Il m’a attendrie et émerveillée. Lorsque c’est lui qui les exprime, même les douleurs sont d’une grande beauté et notre gorge se noue de chagrin, alors que notre esprit s’enivre de poésie.

Le quotidien de Mainou est rythmé par la guerre. Il doit respecter le code de sécurité : il ne doit pas être repéré par les Allemands qui viennent à l’épicerie familiale ; dès que la sirène annonce un bombardement, il doit se réfugier dans la cave. Il aimerait être libre, mais il est enfermé. Aussi, Émile tente d’adoucir son existence. Cet homme, qui se pense incapable d’exprimer des sentiments, est un poème lui-même. Il comprend les frustrations et les peines de son neveu, même quand celui-ci désobéit et met en danger la maisonnée. Il est l’oncle marrant qui colore les journées, de magie et de rires. Il a un cœur qui déborde de tendresse : il m’a bouleversée.

Mainou livre sa perception des évènements avec le filtre de son âge. Il est amusant et émouvant ; il interpelle notre âme d’enfant. Il se moque de sa tante, Louise, qui multiplie les bondieuseries, il est facétieux et attendrissant. Hélas, le bambin a aussi le cœur empli de souffrance. Sa maman lui manque, il recherche des signes et la découvre à travers son passé de jeune fille. Le cambrioleur de bombardement a cambriolé son cœur, l’émoi enrichit ses souvenirs et se superpose à celui du deuil. A-t-on le droit d’être heureux quand on est triste ?

Mainou est le papa de Mathias Malzieu. Celui-ci a raconté à son « père l’histoire de son histoire, la poupée russe et rusée de la réalité et la magie du peut-être ». (p. 237) Ce roman est une merveille. J’ai été éblouie par la poésie des mots et des images qu’ils convoquent. Presque chaque page m’a envoyé un uppercut en plein cœur, car les phrases sublimes me transperçaient d’émotion. J’ai été remuée par ce gamin et par ceux qui ont pris soin de lui. C’est un énorme coup de cœur.

Je remercie sincèrement Claire des Éditions Albin Michel pour ce service presse.

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