Dred ou Le Grand marais maudit, Harriet Beecher Stowe

Dred ou Le Grand marais maudit

Harriet Beecher Stowe

Editions de l’Archipel

Traduction originale révisée par Joseph Antoine

Quatrième de couverture

Contrepoint du mythique La Case de l’Oncle Tom, Dred aborde la question de l’esclavage du point de vue des esclaves, en décrivant le quotidien d’une plantation du Sud des États-Unis, gagnée par la révolte. Un roman en forme de pamphlet antiesclavagiste, indisponible en français depuis… cent soixante ans.

L’autre chef-d’œuvre de l’autrice de La Case de l’Oncle Tom
 
La mort du colonel Gordon a placé Nina, sa fille, à la tête de la plantation de Canema, en Caroline du Nord. Une gestion hasardeuse conduirait l’exploitation à la faillite si Harry, un mulâtre dont elle ignore qu’il est son demi-frère, ne la tenait à bout de bras.

L’amour d’Edward Clayton, avocat et planteur, partisan d’une abolition progressive de l’esclavage, lui ouvre peu à peu les yeux. Trop lentement pour Harry, qu’un sentiment de révolte pousse à prendre la fuite. Il rejoint dans le « grand marais maudit » un esclave insoumis qui s’y est réfugié pour organiser un réseau d’évasion et fomenter des rébellions : Dred.

La Case de l’oncle Tom (1852) avait subi le feu croisé de l’oligarchie sudiste, attaquée dans ses privilèges, et des abolitionnistes les plus radicaux, jugeant ce roman trop indulgent pour les propriétaires blancs. Avec Dred (1856), Harriet Beecher Stowe renonce aux bons sentiments pour camper d’authentiques héros noirs. Ils sont à ses yeux les vrais héritiers de la Révolution américaine, dressés contre l’infamie d’un système qui n’a plus que quelques années à vivre.

« Un grand roman, un génie rare par son intensité et l’étendue de son pouvoir », selon George Eliot.

Mon avis

Dred ou Le grand marais maudit est paru, aux Etats-Unis, en 1856, quatre ans après La Case de l’oncle Tom. En France, il a été édité, une première fois, en 1857, puis il a été réédité plusieurs fois, notamment en 1859 et 1867, avant d’être indisponible, pendant plus de cent soixante ans.

Dans la préface, Roger Martin explique que La case de l’oncle Tom a été « la cible d’attaques virulentes venues de deux camps diamétralement opposés » (p. 10). L’oligarchie sudiste lui a reproché ses prises de position contre l’esclavage et a clamé le « bienfait » du système. Les abolitionnistes, par les voix d’auteurs afro-américains ont rejeté la fin du roman et l’ont accusé d’indulgence envers les propriétaires blancs. L’auteure a, alors, entamé une tournée de conférences. Alors que des séries d’incidents entre « adversaires et partisans de l’esclavage » (p. 12) ont éclaté sur le continent américain et que des prémices de guerre civile l’ont alarmée, Harriet Beecher Stowe a écrit Dred, le roman contrepoint de son précédent. Elle s’est attaquée ouvertement à l’esclavagisme et son œuvre a contribué à la fin de l’esclavage. Lorsque Abraham Lincoln l’a rencontrée en 1862, il l’a interpellée : « Ainsi, c’est vous, la petite dame qui a causé cette grande guerre ? »

La case de l’oncle Tom fait partie des livres qui ont marqué mon enfance et que j’ai envie de redécouvrir avec un regard adulte. Je me rappelle, seulement, avoir versé des torrents de larmes. Aussi, j’étais très curieuse de découvrir Dred ou Le grand marais maudit.

Nina Gordon dirige la plantation Canema, depuis le décès de son père. C’est une jeune fille insouciante, qui virevolte d’un sujet à l’autre, d’un ruban à l’autre, d’un prétendant à l’autre, et même en même temps, puisqu’elle a accepté d’être courtisée par trois hommes. Sans Harry, un de ses esclaves, l’exploitation familiale serait ruinée. Nina est reconnaissante à ce dernier de veiller sur elle. Elle ne sait pas qu’il est, en réalité, son demi-frère. L’homme rêve d’acheter son affranchissement, mais il cache à sa maîtresse et sœur les sacrifices qu’il fait en son nom. Il ne veut pas l’abandonner, il est conscient que ce serait catastrophique pour elle. Cependant, sous les attitudes frivoles de la demoiselle se cache un grand cœur, comme le montre le soutien qu’elle apporte au Vieux Tiff et aux enfants à qui ce dernier a décidé de consacrer sa vie. Elle montre beaucoup d’empathie et, grâce à Edward Clayton, fervent partisan de l’abolition de l’esclavage, elle réalise qu’elle peut agir.

Hélas, des événements dramatiques forcent Harry à partir. Il rejoint Dred, un esclave évadé, qui a établi un camp dans le marais. Cet homme a décidé de combattre la violence des propriétaires blancs et offre un refuge à ceux qui les fuient.

Ce roman est un plaidoyer contre l’esclavage. J’ai été très touchée par Nina : son éducation ne lui a pas enseigné que c’était un fléau, mais elle accepte d’ouvrir les yeux, elle s’investit auprès des personnes qui travaillent pour elle, ce qu’elle paie très chèrement. J’ai loué Edward Clayton. C’est un homme d’action. Il risque de perdre tout ce qu’il possède (carrière, richesse, il joue même sa vie) pour lutter contre l’injustice, abolir les privilèges et arrêter l’inhumanité de l’esclavage. Harry m’a touchée par son déchirement qu’il ressent entre ses désirs et son envie de protéger Nina. J’ai été bouleversée par ce qu’il subit de la part de Tom, le fils légitime du Colonel Gordon. Le Vieux Tiff m’a profondément émue. Il est dévoué aux enfants sur qui il a promis de veiller, à la mort de la mère. Il est mon personnage préféré, tant sa douceur, sa générosité, son sens du sacrifice, sa tendresse, etc. sont saisissants d’humanité et d’abnégation.

Autour de ces personnages attachants, fourmillent des êtres détestables. Certains, en raison de leur indifférence à la souffrance de ceux qu’ils considèrent comme des êtres inférieurs. D’autres, en raison de leur violence, de leur perversité et de leurs actes innommables. J’ai été choquée par les tortures qu’ils perpètrent, physiques et psychologiques. Ils citent la Bible et effectuent, en effet son nom, les pires atrocités. Leurs supplices s’arrêtent, souvent, à la mort de leurs victimes. Et la justice leur est favorable. Les lois leur donnent tous les droits. Ils sont inattaquables, le courage de Clayton est d’autant plus admirable. Des passages décrivent leur cruauté et sont appuyés par des extraits de documents officiels, en Appendices. Il s’agit de comptes-rendus judiciaires, d’articles de presse et de lois, etc.

J’ai été très surprise par le dynamisme de l’écriture. Harriet Beecher Stowe interpelle le lecteur et décrit les scènes et les personnages, comme dans une pièce de théâtre. Le récit est très visuel, grâce aux détails qui sont dépeints et l’auteure fait, parfois, preuve d’humour.

Je lis très peu de classiques, cependant j’ai eu un coup de cœur pour Dred ou Le grand marais maudit.

Je remercie sincèrement Mylène des Éditions de l’Archipel pour ce service presse.

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