Jour bleu, Aurélia Ringard

Jour bleu

Aurélia Ringard

Editions Frison-Roche Belles – lettres

Collection Ex Nihilo

Une femme a rendez-vous avec un homme en gare de Lyon. Du moins, c’est ce qu’elle croit. Cela fait trois mois qu’ils se sont rencontrés. Trois mois au cours desquels ils ne se sont pas vus. Elle a décidé de venir très en avance, de prendre ce temps de l’attente, assise au café. Le hall de la gare revêt l’allure d’une salle de spectacle, d’une pièce de théâtre où chaque personnage qu’elle croise la renvoie à ses propres souvenirs, aux moments clefs de la trajectoire qui l’a menée jusqu’ici et qui a façonné le décor de sa vie. Dans ce premier roman, Aurélia Ringard décrit avec minutie une poignée d’heures de la vie d’une femme, dans un huis clos magistral, époustouflant de maîtrise et de mélancolie.

Mon avis

Il lui a donné rendez-vous dans une gare. Le soir de leur rencontre, il lui a dit qu’il reviendrait dans trois mois et il lui a indiqué l’horaire de son train. Volontairement, la jeune femme arrive très en avance. Pendant trois heures, elle vit le plaisir de l’attente, les espoirs mêlés à l’inquiétude. Trois heures, trois mois, alors qu’elle attend son photographe, le temps se mélange. Elle observe le présent, revit le passé et anticipe le futur. Assise à une table de café, elle regarde les voyageurs, essaie de deviner la raison de leur présence dans ce lieu où les départs croisent les arrivées, où les possibles et les regrets se côtoient.

Elle a grandi avec les trains. Elle a « vécu le même vendredi soir pendant plus de dix ans » (p. 28) : elle voyageait avec son frère et ils rejoignaient leur père. Ses parents étaient divorcés et, en 1990, ce n’était pas fréquent. Avec elle, j’ai revécu les trajets qui, dans le sens de l’aller, étaient un vrai bonheur, puisque j’allais voir mon père, que je ne voyais que la moitié des vacances. Elle parle de son sentiment d’être différente. Elle « les reconnaît, maintenant, ces gamins qui voyagent seuls pour passer d’une maison à l’autre » (p. 62). « Dans leurs yeux, cette lumière identifiable parmi toutes, qui brille de toutes les forces d’une vulnérabilité masquée pour adoucir les peines » (p. 62). Adulte, elle comprend que ces parenthèses ont laissé une empreinte en elle. Pendant qu’elle se projette dans les retrouvailles, qu’elle attend fébrilement, elle s’attarde sur les stigmates de ces week-ends. Avec poésie et mélancolie, elle plonge en elle. Elle livre ses souvenirs et les émotions qui en découlent.

Les scènes qui défilent devant ses yeux lui évoquent un moment de son existence. Une femme avec un enfant, un couple séparé, une vieille dame, des vieux messieurs, le serveur, etc. : ce qu’elle voit et interprète entraîne son esprit vers ce qu’elle a, elle-même, traversé. Elle livre des tranches de vie. Elle en chérit certaines et d’autres sont douloureuses. Elle partage ses pensées, avec élégance et retenue. Comme un mouvement de balancier, ses rêveries alternent entre la nostalgie de l’enfance et l’exaltation de ses espérances. Alors que l’heure du rendez-vous approche, elle s’interroge. Sera-t-il là ?

Jour bleu est un livre empli de féminité et d’intimité. J’ai énormément aimé ce voyage dans le cœur de Chloé, cependant, lorsque j’ai lu la dernière page, mon sentiment est devenu plus fort. La conclusion répond à un élément qui m’interpellait. Le texte est sublimé par cette révélation et j’ai eu envie de relire de nombreux passages qui m’avaient touchée. En lisant la fin, j’ai eu une sensation de magie et les confidences de la jeune femme ont défilé dans ma mémoire. J’ai adoré.

Je remercie sincèrement Elya des Éditions Frison-Roche – Belles lettres pour ce service presse.

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