Les jours de poudre jaune, Isabelle Wlodarczyk

Les jours de poudre jaune

Isabelle Wlodarczyk

Éditions Babouche à oreille

Quatrième de couverture

Le camion accélère. On roule, vite, vite, vite. Toujours plus vite.


Mes idées sont confuses. J’essaie de me raccrocher aux images du passé. Elles défilent dans ma tête : une minuscule poupée de chiffon derrière laquelle Manolita tente de se cacher tout entière. Les yeux couleur d’été de mon père, brûlant de révolte. Les perles du chapelet de ma mère autour d’un fil prêt à se rompre. Je m’époumone, mais personne ne m’entend. Une marée humaine déferle sur la ville. Les gens courent dans tous les sens. Des sirènes hurlent dans nos oreilles. Le ciel et la terre s’embrasent. Il tonne des tirs affolés.


À quelques rues de l’église, j’aperçois le grand cheval de mes parents. Pendant un instant, je crois rêver. Je frotte mes yeux, encore et encore, et je ne me trompe pas. C’est bien eux. Papa, maman, Manolita, Alexandrine, mes grands-parents, mon oncle et ma tante. Ils ont fait halte au bord de la route. Je crie leurs noms :
— Maman ! Papa ! C’est moi, Paquita ! Je suis là ! Ne partez pas sans moi !

En pleine guerre civile, la jeune Paquita et le reste de sa famille doivent fuir l’Espagne. Commence alors un long voyage dans l’inconnu.

Mon avis

Paquita est une petite fille de onze ans. Elle vit en Espagne, à Amposta. Dès sa conception, elle a appris à se cacher. D’abord, dans le ventre maternel, puis pendant les deux premières années de sa vie : son existence a été dissimulée aux parents de sa mère. Elle est le fruit de Francisca qui a reçu une éducation catholique et d’Antonio, un anarchiste. Elle grandit sous le franquisme, avec la peur que son père soit arrêté. Un jour, ce dernier annonce à ses trois filles et à sa femme qu’il faut partir. Chacune a peu de temps pour prendre ce qui est important pour elle. Commence alors la route de l’exil. « Dans cette tragique file indienne, les silences disent plus que les mots. » (p. 37) Les bombardements, l’épuisement, la faim, le froid et la peur accompagnent la famille, puis vient la séparation. Paquita est confiée à une colonie, dans l’espoir qu’elle mange à sa faim. Paquita ne dit rien, elle obéit. Quand reverra-t-elle ses petites sœurs, Alexandrine et Manolita ? Ses parents et ses grands-parents ?

La fuite, encore. Il faut évacuer la colonie, avec l’espoir d’atteindre la frontière française. Cette frontière qui reste fermée, les Français ne veulent pas de ces réfugiés. « C’est curieux d’être enfermés dehors, chez soi, d’être prisonniers dans son pays et de souhaiter si ardemment franchir cet espace, aller de l’autre côté, où pourtant, on n’espère rien. » (p. 66) Paquita garde l’espérance de retrouver les siens, mais ne sait pas comment les chercher.

Pendant trois ans, l’auteure a mené des recherches et a rencontré Paquita et ses proches. Les voix s’entremêlent : au milieu du récit de Paquita, son père, sa mère et sa sœur Alexandrine racontent leurs souvenirs au sujet de ces épreuves. Ils confient leurs peurs, leurs chagrins, mais surtout leur envie d’être ensemble. Les chapitres sont courts, le texte est épuré, juste l’essentiel est dit, ce qui permet à ce livre d’être lu par de jeunes lecteurs. Ce sont les perceptions et les émotions qui ressortent. Aujourd’hui, Paquita a quatre-vingt-douze ans et grâce au travail d’Isabelle Wlodarczyk, elle redonne vie à cette petite fille, qui, à onze ans, avait « l’impression d’avoir vécu sa vie d’adulte et toute la gravité qui lui est associée. » (p. 220), qui avait envie de s’amuser, d’être enfin une enfant. J’ai été très émue par Les jours de poudre jaune.

 Je remercie sincèrement Babelio, les Éditions Babouche à oreille et Isabelle Wlodarczyk pour l’envoi de ce livre dédicacé.

Laisser un commentaire