Eugenia, Lionel Duroy

Eugenia

Lionel Duroy

Éditions J’ai Lu

Éditions Julliard

À la fin des années 1930, Eugenia, une jeune et brillante étudiante roumaine tombée sous le charme d’un écrivain d’origine juive, prend soudain conscience de la vague de haine antisémite qui se répand autour d’elle. Comment lutter, quand tout le monde semble hypnotisé par la tentation de la barbarie ?

Avec pour toile de fond l’ascension du fascisme européen, ce roman foisonnant revient sur un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale, l’effroyable pogrom de Jassy. Portrait d’une femme libre, animée par le besoin insatiable de comprendre l’origine du mal, ce livre est aussi une mise en garde contre le retour des heures les plus sombres de l’Histoire.

Lionel Duroy sera présent au Livre sur La Place, aussi, je souhaitais découvrir son écriture avant de le rencontrer. Dans ma pal, j’ai, depuis longtemps, Le chagrin, mais j’avais envie de commencer par une œuvre moins personnelle. C’est la raison pour laquelle je me suis procuré Eugenia.

« Mihail est mort hier, le 29 mai 1945, renversé par un camion. » (p. 9)  Lorsque Eugenia apprend la mort de Mihail Sebastian, un écrivain d’origine juive, ayant réellement existé, elle décide de raconter son histoire et celle de son pays : la Roumanie. Elle a aimé cet homme d’un amour éperdu, acceptant ses silences, ses absences et les sentiments indéfectibles qu’il éprouvait pour Leny Caler, une actrice. Elle l’a connu lorsqu’il a été invité, en 1936, par sa professeure de littérature ; il était venu présenter son roman : Depuis deux mille ans. Eugenia avait dix-huit ans.

Cette rencontre a changé le regard de l’étudiante. A la fin de la séance, des garçons ont envahi la salle. Ils étaient armés de bâtons. Elle a reconnu des amis de son frère. Ils ont insulté et battu l’écrivain. L’indignation de sa professeure a ouvert les yeux d’Eugenia « sur une vérité, ou plutôt un mensonge appris dès la petite enfance, à savoir que les Juifs étaient des êtres à part dont la vie n’avait pas le même prix que la nôtre. » (p. 39) Élevée dans une famille antisémite, elle comprend qu’elle a été aveuglée.

La réaction de Mihail Sebastian la déstabilise : il prend, avec humour, le déchaînement de violence dont il est la cible. Il cite une phrase de son livre : « Je voudrais être antisémite pendant cinq minutes pour sentir en moi un ennemi à supprimer. » (p. 52) Quand Eugenia deviendra journaliste, cette considération imprégnera son travail. Témoin du pogrom de Jassy (sa ville natale), elle tentera de pénétrer dans l’esprit de ceux qui ont massacré leurs voisins parce qu’ils étaient juifs. Les descriptions des évènements provoquent la douleur et la révolte. J’ai été très émue.

Dans cette foisonnante fresque historique, Lionel Duroy retrace dix ans de l’histoire de la Roumanie. Il décrit la montée de l’antisémitisme, l’attitude du pouvoir et de la population pendant la Seconde Guerre mondiale, la résignation du peuple juif et les exactions dont il était victime en s’attardant sur la tragédie de Jassy. J’ai été horrifiée par les crimes commis au nom de la haine de l’altérité. L’auteur montre aussi le positionnement vacillant des Roumains : l’Allemagne était le bourreau et le sauveur potentiel, une victoire soviétique évoquait l’espoir et la peur. J’ai été admirative de l’angle choisi par l’auteur, à travers le personnage d’Eugenia. Elle condamne, mais elle cherche à comprendre, pour expliquer et avoir des armes pour lutter, afin que l’horreur ne se reproduise plus. Cette manière de relater les faits m’a remuée.

J’ai été bouleversée par ce roman.

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