Visa pour l’éternité, Laurence Couquiaud

Visa pour l’éternité

Laurence Couquiaud

Editions Albin Michel

Quatrième de couverture

En 1939, Ewa fuit la Pologne envahie pour trouver asile en Lituanie. Leib, médecin, a assisté impuissant à l’anéantissement de Varsovie. Dans ce petit état balte, les réfugiés juifs tentent de reconstruire leur vie. Mais la menace d’une invasion plane et il faut repartir.

Toutes les ambassades ont fermé leurs portes. Sauf une : celle du Japon, où le consul Sugihara, agent de renseignement et diplomate, délivre des visas. Ewa, Leib et leurs amis du groupe des écrivains yiddishs doivent affronter les officiers de sécurité russes et la menace du goulag avant de pouvoir traverser le continent et la mer jusqu’au Pays du Soleil Levant. De là, destination Shangai, alors sous contrôle japonais, où, dans un ghetto sordide, ils survivent en espérant la libération et une nouvelle terre d’accueil…

À travers cette incroyable odyssée fondée sur des faits réels, le roman de Laurence Couquiaud, l’auteure de La Mémoire sous les vagues (Prix Femme actuelle) dévoile un pan ignoré de l’exil d’une partie de la communauté juive en Asie, évoquant la violence du déracinement mais aussi l’entraide aux confins du monde, ainsi qu’une poignante histoire d’amour, de résilience et d’émancipation. En toile de fond, le portrait du « Schindler japonais », Chiune Sugihara, qui paya cher son geste généreux.

Mon avis

2016, en Israël. Un homme se réjouit que sa famille soit réunie autour de lui, pour la cérémonie d’inauguration prévue le lendemain. Pendant la soirée, son petit-fils, qui vit aux Etats-Unis, avec ses parents, parle de Donald Trump. Par ses propos, l’adolescent éveille la colère de ses cousins et le désarroi de ses grands-parents. Ewa, son arrière-grand-mère, décide de raconter son histoire. Elle rappelle que si ses enfants et ses petits-enfants existent, c’est grâce à l’homme qu’ils sont venus honorer. C’est grâce à lui si elle n’est pas morte au fond d’une forêt lituanienne. Ce grand monsieur s’appelait Chiune Sugihara.

Ewa commence son récit par une scène de cruauté immense, en 1939, pendant laquelle un officier nazi s’amuse de sa propre perversité. Comment survivre lorsque tout a été anéanti ? Pourquoi vivre quand tout a été arraché et que l’on n’a rien pu faire ? « Le lendemain est une éternité, lointaine, funèbre et accablante, à jamais vidée de certitudes et de promesses, souillée de sang et d’ombre. ». (p. 14)

Ewa parvient à fuir la Pologne et rejoint la Lituanie, où elle espère être en sécurité. Elle rencontre Leib, un médecin juif ; sa famille a péri lors du bombardement d’un immeuble, à Varsovie. Les épreuves les rapprochent et ils nouent une amitié. Mais la Lituanie, menacée d’invasion, n’est plus un abri. Le danger a deux visages : nazi et soviétique. Toutes les ambassades ont fermé, seul le Consul du Japon est resté.

Au sein de la communauté juive, une rumeur d’espoir se propage. Il est possible d’obtenir par le consulat des Pays-Bas un papier indiquant que pour l’admission des étrangers au Curaçao, un visa d’entrée n’est pas requis. L’ambassadeur néerlandais, Jan Zwartendjk, écrit ce texte à la chaîne, sans savoir si cela suffira à sauver des vies, mais il essaie. Pour rejoindre les îles, il faut obtenir un visa de transit du consulat du Japon. C’est là qu’intervient le consul Sugihara. Malgré les mises en garde du Japon, il a signé plusieurs milliers de visas. Il a désobéi, alors qu’il savait qu’il prenait d’énormes risques pour lui-même et pour sa famille. Il a payé lourdement ses actes de rébellion.

Pour émigrer au Japon, les réfugiés devaient justifier de ressources leur permettant de payer le voyage d’une durée de onze jours. Ewa, Leib et leurs amis du groupe des écrivains yiddishs parviennent, pourtant, à fuir la Lituanie, devenue terre hostile pour eux. Ils essaient de construire une nouvelle vie au Japon. Mais lorsque éclate le conflit entre leur pays d’accueil et les Etats-Unis, ils sont forcés de partir à Shanghai, en Chine, dans un ghetto sous contrôle japonais.

Ewa et Leib ont été créés par Laurence Couquiaud. Cependant, leur épopée a été inspirée de récits de survivants. Dans ses notes à la fin du livre, l’auteure détaille les personnages de son roman : elle explique de qui chacun a été inspiré. Elle donne, également, des précisions sur les personnes réelles, telles que Jan Zwartendjk et Chiune Sugihara. Lorsque la Lituanie a été incorporée à l’URSS, les Juifs lituaniens n’ont plus eu le droit de partir. En juin 41, les nazis ont envahi le pays. « Sur 150 000 Juifs que comptait le pays, 90 % furent exterminés. » (p. 312) Conscients des risques qu’ils encourraient, Jan Zwartendjk et Chiune Sugihara ont pourtant délivré 2 139 visas. Ils ont sauvé plusieurs milliers de vies. Je ne connaissais pas ce fait historique, qui a été enfoui pendant des décennies et reconnu en 1985. 

J’ai été bouleversée par les destins d’Ewa et Leib. Ils ont été forcés de passer de pays en pays pour fuir la mort. Quand ils ont appris les massacres auxquels ils avaient échappé, ils ont compris qu’ils avaient pris les bonnes décisions. Eux-mêmes ont connu des tragédies, de celles dont on ne se relève jamais. Je suis admirative de leur courage. Ils ont continué de croire en l’humain et ils ont gardé l’espérance de la paix et du bonheur. Ils ont traversé des épreuves et les ont surmontées. J’ai été émue par la bonté valeureuse de ceux qui ont leur offert une possibilité de fuite, le résultat n’était pas garanti, mais c’était un espoir à saisir. J’ai ressenti un profond respect pour Chiune Sugihara. Le parcours d’Ewa est entrecoupé de chapitres consacrés à ce grand Homme. La délivrance des visas est une partie de ce qu’il a accompli, pendant la guerre. Ses autres actes sont détaillés dans le roman. En 1985, il a été reconnu le titre de « Juste parmi les Nations » et il est surnommé le Schindler Japonais.

J’ai adoré Visa pour l’éternité qui m’a énormément émue. Avec sensibilité, Laurence Couquiaud relate l’itinéraire des populations juives forcées à l’exode et toujours devancées par les nazis. Elle décrit les massacres, les ghettos et les exactions, mais aussi les gestes courageux. Elle rend hommage aux 5 700 000 morts juifs, tués par le nazisme.

Je remercie sincèrement Claire des Éditions Albin Michel pour ce service presse.

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