Le destin d’Anna Pavlovna, Alekseï Pisemski

Le destin d’Anna Pavlovna

Alekseï Pisemski

Éditions Ateliers Henry Dougier

Quatrième de couverture

Une histoire d’amour au coeur de la Russie profonde des années 1850 qui donne lieu à une virulente critique d’un milieu social. Epoque du tsar Alexandre II, dans l’intimité de la petite noblesse provinciale russe. L’héroïne, Anna Pavlovna Manovskaia, dépérit dans la propriété de son mari, Mikhaïlo Egorytch Zador-Manovski, un colosse brutal et caractériel. Quelques années de ce mariage malheureux passent avant qu’un homme, ressurgisse de son passé, et vienne bouleverser son destin. Alekseï Pisemski dépeint l’intimité de cette classe de la société russe, riche de ses seuls domaines agricoles et des serfs qu’elle peut exploiter à sa guise. 
La mesquinerie de ce milieu prisonnier de ses codes, ses hiérarchies, ses intrigues illustre un monde décadent et follement mélodramatique où les femmes et les frémissements amoureux jouent un rôle central. Contemporain d’Ivan Gontcharov, Ivan Tourgueniev et Nicolas Leskov, Alekseï Pisemski, en lutte contre le servage (aboli en 1861) est redécouvert par sa traductrice Hélène Rousselot avec ce roman inédit, reflet d’une Russie oubliée.

Mon avis

Anna Pavlovna Manovskaia est mariée à Mikhaïlo Egorytch Zador-Manovski. Son époux est sarcastique et brutal avec elle, depuis qu’il a découvert, après leur mariage, qu’elle n’avait pas de fortune. Sous ses méchancetés, elle dépérit, d’autant plus qu’elle en aime un autre, jusqu’à ce que le passé plus heureux ressurgisse sous les traits de deux hommes : Eltchaninov, son ancien amour et le Comte Petrovitch, un ami de son père.

Alors que les femmes sont promptes à condamner Anna, au sujet de sa santé fragilisée par la violence de son époux, les hommes sont attendris par elle et se présentent en sauveur de la belle. Eltchaninov se pose en prince charmant, il lui offre l’amour-passion. Le comte, quant à lui, propose sa protection. Ils sont tous les deux amoureux et ont des approches différentes.

La haute société se régale de ces stratagèmes et des rebondissements de ces intrigues amoureuses. Elle prend plaisir à juger Anna et à attiser le désir de vengeance du mari bafoué. Bien qu’Anna soit le point central de l’histoire, ce n’est pas sa version qui est la plus développée, ce sont surtout celles des hommes qui la convoitent.  Les commérages et les pensées des observateurs montrent la condition féminine au milieu du XIXe siècle, en Russie. Les réputations et les vies des femmes sont faites et défaites, en fonction des désirs et des besoins de la gent masculine. Anna est au centre de calculs et d’intrigues. De plus, la société est régie par des codes, qui fluctuent, selon la volonté des plus riches. Tel un marionnettiste, le comte agit sur les destins de ceux qui veulent lui plaire. Ce roman est une photographie du fonctionnement des castes de la Russie, en 1850.

Anna est une héroïne romantique et passive. C’est par son corps et la maladie qu’elle exprime ses chagrins. Lorsqu’elle est heureuse, son corps exulte et est épanoui. Sa langueur la rend fragile et elle devient la cible des commères du village, qui se repaissent de ses malheurs. A l’inverse, Kleopatra Nikolaevna, qui tente de prendre son destin en main, reçoit plus d’éloges. Mais elle est, elle aussi, sous la domination masculine. Sa liberté de mœurs est, également, un asservissement pour survivre.

Je lis, essentiellement, de la littérature contemporaine. Ce qui m’a frappée, dans ce roman, écrit en 1846, est le modernisme de l’écriture et de la narration. Il n’y a pas de grandes descriptions, le rythme est très vif, en raison des dialogues et des interpellations de l’auteur, qui s’adresse, parfois, aux lecteurs. Le récit est émaillé de rebondissements, aussi l’intérêt est toujours éveillé.

J’ai énormément aimé Le destin d’Anna Pavlovna et je remercie sincèrement Anna des Éditions Ateliers Henry Dougier.

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