Bō, Yunbo et Daniel Bart

Yunbo et Daniel Bart

Editions Cent Mille Milliards

Daniel et Yunbo Bart ont choisi d’exprimer ici la voix d’une enfant qui a vécu en Chine dans les années 1960 alors qu’elle était âgée de 4 à 14 ans. Et le résultat est stupéfiant : malgré l’effroyable adversité, l’héroïne et sa famille ne se laissent jamais aller, montrent à ceux qu’ils aiment que la vie est plus forte que tout, que les jours passent et les saisons se renouvèlent, que le soleil illumine les existences et réchauffe les cœurs, et, surtout, que le rire et l’esprit élèvent haut les étendards de la dignité humaine.


Cinquante après la Révolution culturelle, Bō est un bijou de délicatesse dans une nuit d’horreur, un rire radieux au coeur d’une folie hallucinée, la voix belle, douce et franche d’une génération sacrifiée qui redonne toute sa place à l’innocence dans l’Histoire « avec sa grande Hache ».

Comme tous les ans, la narratrice revient en Chine, dans sa famille, pour le nouvel an chinois. Comme à chacun de ses retours, son père l’accueille et lui pose des questions sur sa vie à Paris. Il a besoin d’être rassuré. Puis il aborde la véritable raison du voyage de Xiao Bō : la cérémonie en l’honneur de sa mère. Il lui confie un livre dans lequel il a rassemblé ses souvenirs de cette période terrible de la Révolution culturelle. « Nous ne sommes plus que quelques-uns à être concernés par cette histoire déjà si vieille… Mais je voulais raconter, avant que tout ne se momifie dans les livres d’histoire… » (p. 16) 

Xiao Bō confronte ses propres réminiscences au témoignage paternel. Chaque chapitre retrace une année de son enfance et de son adolescence. Les faits sont décrits avec le regard innocent d’une enfant. Au fil des ans, sa perception s’aiguise et gagne en maturité. Cependant, en raison de son jeune âge, elle relate les évènements et leur impact sur la vie de sa famille, avec candeur. Nous recevons ses mots avec notre représentation adulte. Cette opposition est un uppercut.

De ses quatre ans à ses quatorze ans, Xiao Bō a grandi dans un état autoritaire. La petite fille raconte l’amour de ses grands-parents, celui de ses parents, ses amitiés, ses interrogations, sa compréhension des obligations, des interdictions et des séparations imposées par la dictature. Très tôt, elle a compris la nécessité du secret. Elle a saisi, par exemple, que les livres de son grand-père ne devaient pas être découverts et qu’elle devait cacher ses propres pensées, au sujet des injustices. Elle devinait les sentiments des adultes, ressentait leur terreur, mais elle s’attarde sur ses joies. 

Protégée par sa mère, elle se souvient, pourtant, de la peur des adultes : la menace de camp de rééducation et de la mort contrôlait tous leurs actes. La petite fille pensait que le monde entier était soumis aux mêmes règles. Elle décrit l’autoritarisme avec pudeur, avec des scènes concrètes : celles qu’elle a vécues. Son interprétation naïve m’a émue. Alors que le récit est doux et tendre, je me révoltais en lisant les horreurs que la Révolution culturelle a engendrées : contrôle de la pensée, spoliation des biens, humiliations, déplacements, séparations, tortures, exécutions, etc. J’ai été très émue par cette histoire à hauteur d’enfant. J’ai adoré .

Je remercie sincèrement Gaëlle des Éditions Cent Mille Milliards pour sa confiance.

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