L’Etoile des anges, Stéphane Bellat

L’Etoile des anges

Stéphane Bellat

Édition des libertés

Je m’appelle Hannah Klezmer. J’ai vu le jour à Paris en 1931. Nous n’avions ni télévision ni téléphone portable, mais nous vivions heureux. Puis, j’ai connu l’innommable avec cette guerre monstrueuse, et l’incroyable le jour où j’ai rencontré Pierre Descarrières. Nos routes se sont croisées d’une manière que je ne m’explique toujours pas et ma vie en a été bouleversée à jamais. J’aurais versé des larmes pour la Terre entière ce soir-là. On avait décidé de nous expulser de toute vie sociale, parce que nous étions juifs.

Une étoile de tissu jaune était cousue sur ma robe. C’était, je crois, en 1942. J’en avais tellement honte. Non pas honte de ce que j’étais, une petite juive de douze ans, fière de ses différences ; j’avais peur du regard des autres. Ces flèches pénétrantes qui transpercent le corps de part en part et qui vous font comprendre à quel point vous n’êtes pas né comme il le faudrait. C’est le regard des autres qui bannit, qui écarte, qui exclue. Qui condamne sans pitié ni compassion et jette des innocents tout au fond d’un précipice.

Il y a dix jours, j’ai publié mon avis sur La chambre d’Hannah, un coup de cœur que je recommande à tous les adolescents et adultes. J’avais été bouleversée de découvrir la Seconde Guerre mondiale, à travers le regard d’un collégien des années 1990. Pierre n’avait encore pas étudié cette période, en cours d’histoire, aussi sa perception était candide. J‘avais été touchée par sa prise de conscience et émerveillée par la richesse historique du roman. Dans le premier tome, il racontait sa rencontre avec Hannah, une jeune fille vivant en 1942. Elle lui avait parlé de marché noir, d’étoile jaune, etc. ; il l’avait soutenu à sa manière. Son innocence et son investissement étaient poignants.

A la fin, nous connaissions, dans les grandes lignes, le destin de la jeune fille et de son frère (Jacob), mais pas le déroulé des faits. L’Etoile des anges est sa version. Elle retranscrit ses émotions profondes, ses inquiétudes et son regard sur les évènements. Celui-ci est angoissé, car grâce aux recherches de Pierre, au sujet du passé, elle est informée de la Shoah, même si elle peine à y croire. Elle ne peut s’empêcher d’espérer que son ami du futur ait mal compris. Cependant, ses avertissements sont gravés en elle, appuyés par les menaces de plus en plus prégnantes. Elle ne peut prédire son avenir, car les temporalités de 1942 et 1992 sont parallèles. De plus, elle ne peut plus communiquer avec Pierre, car depuis rafles du Vel’ d’Hiv’, elle n’habite plus leur appartement commun.

Ce roman décrit le courage d’une petite fille de douze ans, devenue adulte avant l’âge, en raison de la folie des Hommes. Séparée de ses parents, elle veille sur son petit frère, avec un dévouement exemplaire. Elle le protège, le rassure, l’aime. Elle a le rôle d’une mère : celle qui console et celle qui gronde, pour préserver leurs vies. Sa force, empreinte de fragilité et d’un reste d’enfance, étreint le cœur. Ce récit est aussi un hommage aux Justes. Des gendarmes et des policiers ont essayé de prévenir des rafles, ont exfiltré quelques enfants (lors de celle du Vel’ d’Hiv’, aucun des 4 000 enfants déportés à Auschwitz n‘a survécu) ; des Résistants ont emmené en lieu sûr des enfants juifs, des personnes les ont cachés, etc. Le gendarme Henri Duguet, Marcelle et René, Madeleine et Raoul, sont-ils parvenus à sauver les petits ? Que s’est-il passé après que Pierre et Hannah  n’ont plus eu la possibilité de se voir ?

Même si L’étoile des anges est ancré dans la réalité, il comporte une grande part de magie : celle de l’humanité des personnages, celle de leur héroïsme et celle de l’innocence des enfants. J’ai adoré ce devoir de mémoire émouvant.

Je remercie sincèrement l’édition des libertés pour sa confiance.

La chambre d’Hannah

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