Le livre des noms oubliés, Kristin Harmel

Le livre des noms oubliés

Kristin Harmel

Editions Hauteville

C’est un samedi matin, en plein service à la bibliothèque publique de Winter Park, que je le revois. Le livre sur lequel j’ai posé les yeux pour la dernière fois il y a plus de six décennies. Que je croyais disparu pour toujours.
L’ouvrage qui représentait tout pour moi.
Le monde s’arrête alors que j’attrape le journal, la main tremblante. Ce livre m’appartient – ainsi qu’à Rémy, un homme mort depuis longtemps et auquel je me suis efforcée, après la guerre, de ne plus penser.

Floride, mai 2005. Eva Traube Abrams retrouve la trace de l’homme qu’elle pensait avoir perdu à tout jamais, et du livre qui a tant compté pour eux, plus de soixante ans auparavant…

En 1942, Eva fuit Paris à la suite de l’arrestation de son père, Juif originaire de Pologne. Bouleversée, elle trouve refuge dans un village de montagne, en Zone libre, où elle rencontre Rémy, un séduisant faussaire. Avec son aide, elle produit de faux papiers pour aider des enfants juifs à passer la frontière suisse. Ne pouvant se résoudre à effacer leur identité, Eva consigne leurs véritables noms grâce à un code dont seuls Rémy et elle possèdent la clé. Ce Livre des noms oubliés devient encore plus vital lorsqu’ils sont trahis et que Rémy disparaît. Eva parviendra-t-elle à retrouver celui qu’elle aime, et à protéger les enfants de l’horreur du nazisme ?

Inspiré d’une histoire vraie, ce roman évocateur, rappelant Le Réseau Alice de Kate Quinn ou Toutes les lueurs de Londres de Julia Kelly, est une ode à la résilience et à la force du courage face à la barbarie.

2005. Octogénaire, Eva est bibliothécaire en Floride. Dans un journal, elle découvre que « Soixante ans après la Seconde Guerre mondiale, un bibliothécaire allemand se bat pour rendre à leurs propriétaires des livres volés. » (p. 7) Sur la photo qui accompagne l’article, elle reconnaît le livre qui est tout pour elle. Elle ne l’a pas vu depuis six décennies. Elle décide de se rendre à Berlin.

Juillet 1942. Eva est juive. Avec difficulté, elle convainc sa mère de fuir en Suisse, comme elle l’a promis à son père, avant son arrestation. Elle utilise son don artistique pour leur fabriquer de faux papiers. Lors de leur périple, elles s’arrêtent dans un village : Aurignon. Un prêtre demande alors à Eva de mettre ses talents artistiques au service de la Résistance. Avec Rémy, un faussaire, elle fabrique des faux papiers : cartes d’identité, cartes de rationnement, laissez passer, etc.

Grâce à leur travail, des enfants juifs parviennent à traverser la frontière suisse. Cependant, tous deux refusent que la mémoire des petits soit effacée, que leurs noms soient oubliés. Dans un livre, ils consignent l’ancienne et la nouvelle identité de leurs protégés, avec un code qu’ils sont seuls à connaître. Ils espèrent retrouver cet ouvrage précieux, après la guerre, s’ils sont toujours vivants. Ils l’espèrent, malgré les risques considérables qu’ils prennent.

Kristin Harmel rend hommage aux faussaires, qui par leur habileté et leur dévouement, ont permis de sauver de nombreuses vies de l’horreur nazie. Elle explique de quelle manière les nouvelles identités étaient sélectionnées, l’ingéniosité ayant permis d’en produire en grande quantité.

J’ai été bouleversée par Eva. Alors qu’elle aurait pu être en sécurité, elle a choisi la voie du danger et du sacrifice. J’ai été émue par sa volonté de perpétuer l’histoire des enfants. J’ai, aussi, été ébranlée par les conséquences de son choix : il détruit ses rapports avec sa mère. Cette dernière a la sensation que sa fille, en aidant la Résistance catholique, renie sa judéité ; elle l’accable de reproches et certaines de ses paroles sont très dures. Elle ne considère pas Eva comme une héroïne, mais comme une traîtresse. La peur et le besoin de se raccrocher aux seuls repères qui lui restent lui font prononcer des mots terribles. J’ai été captivée par cet angle choisi par l’auteure. Eva ne faiblit pas, mais souffre de l’attitude de Faiga.

J’ai, aussi, été touchée par les relations naissantes au sein de la Résistance, par les espoirs et les rêves d’avenir. J’ai aimé les héros de l’ombre, j’ai souffert, espéré et désespéré. Plusieurs passages ont fait naître des larmes dans mes yeux. Ce roman est empli d’émotion. Enfin, j’ai aimé la place essentielle accordée aux livres, que ce soit dans le récit, dans les notes de la fin et dans les remerciements. J’ai ressenti que l’auteure les aimait.

J’ai eu un immense coup de cœur pour ce superbe roman.

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