Les ombres de Caluire, Isabelle Infante et José Gomès

Les ombres de Caluire

Isabelle Infante et José Gomès

Editions Alisio Histoire

Quatrième de couverture

80 ans après, qui a trahi Jean Moulin ?

21 juin 1943 à Caluire : Jean Moulin, le chef de la Résistance, vient de tomber dans les griffes de la Gestapo de Lyon, dirigée par Klaus Barbie. Comment les services de sécurité allemands ont-ils pu être informés de la tenue de cette réunion cruciale : sa date, son horaire et surtout son lieu, puisque cette maison n’avait encore jamais été utilisée par la Résistance pour un rendez-vous ? Cette question taraude depuis ce jour résistants et historiens. Car elle en entraîne une autre, plus dérangeante : Jean Moulin a-t-il été trahi ? Contextualisation, reconstitution des faits, nouvelles hypothèses sur sa mort, deux historiens lèvent le voile autour des dessous de l’affaire la plus sombre de la Résistance.

Mon avis

21 juin 1943, autour de 15 heures, dans un cabinet médical situé à Caluire-et-Cuire, où une réunion décisive pour l’avenir de la Résistance doit se tenir. Au premier étage, ils sont cinq à attendre, avec inquiétude, des retardataires. Le rendez-vous était fixé à 14 h 30. Peu avant 15 heures, Raymond Aubrac, Émile Schwarzfeld et Jean Moulin se présentent enfin. Ils sont emmenés dans la salle d’attente du rez-de-chaussée. « Soudain, crissements de pneus, bruits de portières qui claquent, et la sinistre annonce qui retentit :  « Police allemande ! » La Gestapo de Lyon, dirigée par Klaus Barbie, vient de cerner la maison avant même le début de la rencontre. » (p. 27) Toutes les personnes présentes sont arrêtées. Le 8 juillet 1943, un train s’arrête en gare de Metz. Un corps est descendu d’un wagon : il s’agit de celui de Jean Moulin, décédé après des jours de torture.

Depuis quatre-vingts ans, une question tourmente les Résistants et les historiens : Jean Moulin a-t-il été trahi ? Le cabinet médical du docteur Dugoujon servait pour la première fois de lieu de rendez-vous. Comment la Gestapo a-t-elle été informée de la date de cette réunion capitale et de son emplacement ?

Isabelle Infante et José Gomès sont historiens et enseignants. Dans un avertissement, ils précisent que Les ombres de Caluire s’appuie sur le travail d’historiens et de journalistes, afin de rendre celui-ci accessible. Ce récit « n’est pas le résultat d’un travail d’historien réalisé à partir d’archives, de sources brutes. » (p. 10) Leurs questionnements sont autant ceux d’historiens que de citoyens. Ils indiquent que leur enquête n’a pas répondu à toutes leurs interrogations et qu’ils désirent montrer que la recherche d’une « vérité » compte autant que les réponses apportées. Ils préviennent qu’ils ne prétendent faire aucune révélation, cependant, j’ai apprécié que, dans les dernières lignes de l’ouvrage, ils livrent leur intime conviction. J’ai, également, aimé que les citations de leurs sources soient intégrées dans leur réflexion, ce qui permet de contextualiser les éléments et de, parfois, les nuancer. Enfin, j’ai aimé que les auteurs confient leur interprétation des faits qu’ils rapportent, mais aussi la démarche qui leur a permis d’atteindre ce résultat. 

Les ombres de Caluire est un ouvrage documenté et passionnant sur l’arrestation d’un homme fascinant et héroïque. Isabelle Infante et José Gomès souhaitaient « montrer au lecteur que l’Histoire est une discipline vivante, dont nous ne pouvons connaître toutes les réponses, car les questions changent avec les époques. » (p. 10) Ils ont brillamment relevé ce défi.

Je remercie sincèrement Babelio et les Éditions Alisio pour cette masse critique.

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