Quand l’abîme te regarde, Éric Emeraux

Quand l’abîme te regarde

Éric Emeraux

Éditions Récamier

Quand l’abîme te regarde, tourne-toi vers la lumière.


Paris, août 2021. Le colonel Michel Rinocci, dit Rhino, est le chef de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH). Une mystérieuse affaire de braquage le remet sur la piste de Vuk, son pire ennemi, présumé mort.


Ce criminel de guerre est le responsable de terribles exactions dont Rhino a été le témoin impuissant en 1994, pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine, alors qu’il était en mission de renseignement au sein des commandos montagne.

La traque reprend pour le colonel. Mais certains fantômes du passé ressurgissent et bouleversent son fragile équilibre familial. De chasseur, il devient traqué.


Finalement, l’abîme n’avait jamais cessé de le regarder.

A Paris, en août 2021, un cambriolage se termine par des échanges de coups de feu avec les forces de l’ordre. L’un des malfaiteurs est blessé et laissé sur place par ses complices. Lorsque le capitaine Gilles Bonnier entre dans sa chambre d’hôpital, il est frappé par deux détails : l’homme a une oreille coupée et porte, sur l’avant-bras, un tatouage représentant « un aigle à deux têtes regardant dans deux directions opposées » (p. 42). Il prend des photos et les envoie au colonel Michel Rinocci, connu sous le surnom de Rhino. Il sait que son collègue sera intéressé. Effectivement, le chef de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH), connaît bien le suspect : Miroslav Marjanović est recherché pour crimes contre l’humanité. Avec des mots sibyllins, celui-ci ironise sur la mort supposée de Vuk (son chef), le pire ennemi de Rhino.

En 1994, Michel était en Bosnie-Herzégovine. Il a effectué plusieurs missions de repérage et de renseignement et a assisté, impuissant, à des exactions, des scènes de torture, des viols, des assassinats. Il était, parfois, très près des tortionnaires et des victimes, malheureusement, il ne pouvait pas agir. Une part essentielle de lui-même est morte à cette époque. Depuis, il consacre sa vie à la traque des criminels de guerre, au détriment de sa vie personnelle. Aussi, lorsque son fils lui annonce qu’il se rend à Sarajevo, pour un festival professionnel, il aimerait l’empêcher de partir. Il pressent le danger. Surtout depuis que le décès de Vuk est remis en cause.

L’intrigue alterne entre 2021 et les années 1990. Le présent découle du passé. Certains passages sont violents : Éric Emeraux indique que la plupart des faits décrits en Bosnie-Herzégovine sont réels. Plus jeune, j’avais des amis militaires et je comprends leur silence sur cette guerre et les traumatismes qu’ils évoquaient à demi-mot. Ce livre est très documenté et il m’a fortement remuée et bouleversée.

Un autre pan de l’histoire m’a ébranlée : il s’agit des manœuvres et manipulations géopolitiques glaçantes et édifiantes. Au milieu de ce bourbier, Rhino a tenté de conserver son humanité, mais ses fondations se sont effondrées. Il a protégé son secret, mais sa quête de justice ne l’a jamais quitté, ainsi que le prouve sa carrière, qui comporte énormément de similitudes avec celle de l’auteur. Cela renforce la véracité et la puissance du récit. Hélas, les résurgences de cette époque abominable menacent sa sécurité et celle de son fils. Celui-ci, maintenu toute sa vie dans l’ignorance, ne peut anticiper les risques de ses décisions. La traque est enclenchée et le moment de vérité n’a jamais été aussi proche.

Quand l’abîme te regarde est d’une grande richesse historique, parfois complexe, en raison des ramifications politiques et militaires. Il se conclut en 2022, au moment de l’invasion de l’Ukraine, par Vladimir Poutine et la résonance du passé avec l’actualité internationale est sidérante et effrayante. J’ai été bluffée par ce roman édifiant et puissant.

Je remercie sincèrement Maxime des Éditions Récamier pour sa confiance.

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