
Son odeur après la pluie
Cédric Sapin-Defour
Editions Stock
Quatrième de couverture
C’est une histoire d’amour, de vie et de mort. Sur quel autre trépied la littérature danse-t-elle depuis des siècles ? Dans Son odeur après la pluie, ce trépied, de surcroît, est instable car il unit deux êtres n’appartenant pas à la même espèce : un homme et son chien. Un bouvier bernois qui, en même temps qu’il grandit, prend, dans tous les sens du terme, une place toujours plus essentielle dans la vie du narrateur.
Ubac, c’est son nom (la recherche du juste nom est à elle seule une aventure), n’est pas le personnage central de ce livre, Cédric Sapin-Defour, son maître, encore moins. D’ailleurs, il ne veut pas qu’on le considère comme un maître. Le héros, c’est leur lien. Ce lien unique, évident et, pour qui l’a exploré, surpassant tellement d’autres relations. Ce lien illisible et inutile pour ceux à qui la compagnie des chiens n’évoque rien. Au gré de treize années de vie commune, le lecteur est invité à tanguer entre la conviction des uns et l’incompréhension voire la répulsion des autres ; mais nul besoin d’être un homme à chiens pour être pris par cette histoire car si pareil échange est inimitable, il est tout autant universel. Certaines pages, Ubac pue le chien, les suivantes, on oublie qu’il en est un et l’on observe ces deux êtres s’aimant tout simplement.
C’est bien d’amour dont il est question. Un amour incertain, sans réponse mais qui, se passant de mots, nous tient en haleine. C’est bien de vie dont il est question. Une vie intense, inquiète et rieuse où tout va plus vite et qu’il s’agit de retenir. C’est bien de mort dont il est question. Cette chose dont on ne voudrait pas mais qui donne à l’existence toute sa substance. Et ce fichu manque. Ces griffes que l’on croit entendre sur le plancher et cette odeur, malgré la pluie, à jamais disparue.
Mon avis
2003. Alors qu’il est dans un café, le narrateur saisit un journal de petites annonces. L’une d’elles propose des bouviers bernois. Il compose le numéro. Même si parcourir deux cents kilomètres pour aller voir les chiots évoque un acte impulsif, il n’en est pas vraiment un. Il a déjà « eu » un chien, Ïko, un labrador qu’il avait adopté à la SPA. « Depuis cette absence escorte chacun de mes jours et je ne trouve pas tout à fait normal que la vie continue. Alors je sais. De quelle entreprise affective il s’agit. » (p. 24) Il connaît l’importance du moment de la rencontre et le savoure. Quand celui qui partagera sa vie apparaît, leurs regards peinent à se séparer.
Son odeur après la pluie dépeint la merveilleuse relation entre celui qui sera appelé Ubac (après de nombreuses tergiversations) et Cédric Sapin-Defour.
Le livre est introduit par une préface de Jean-Paul Dubois, qui évoque, magnifiquement, l’essence du message de l’auteur. Elle m’a émue. Puis, j’ai lu les premières pages et j’étais un peu perturbée par l’écriture. Les mots n’étaient pas toujours à la place à laquelle je les attendais. Cependant, ils m’ont très vite apprivoisée et ce style, qui m’a perturbée au début, m’a emportée. Il apporte une valeur poétique au récit.
J’ai été très émue par ce roman. J’ai aimé la relation entre l’homme et son chien et entre le chien et son compagnon humain. J’ai été touchée par le respect, l’amour et l’attention que l’auteur a prodigués à son chien. J’ai été particulièrement sensible à l’écoute qu’il lui a apportée. Il n’a pas modelé son ami par rapport à des critères d’éducation. Mon ancien vétérinaire a souvent dit que je faisais de l’anthropomorphisme, aussi, je me suis retrouvée dans ses pensées, ses actes, mais aussi ses sentiments de culpabilité au sujet de ses absences. Ses mots m’ont parlé de mon regretté Valmy, ils ont fait vivre son absence et ont fait défiler les merveilleux souvenirs dans ma tête, dans mon cœur et dans mon corps. Même son odeur m’est revenue, surtout celle des jours de pluie ; mais aussi, celle qui m’a alertée, quand ses reins ont dysfonctionné. J’ai entendu ses griffes sur le carrelage, je l’ai vu attendre sa part quand je mangeais, j’ai ressenti son soutien quand ma mamie est décédée et qu’il m’a collée, pendant plusieurs jours, simplement parce qu’il percevait que j’en avais besoin.
Arrivée à la dernière partie, j’ai versé des torrents de larmes. Je ne pouvais plus m’arrêter. Je ne savais pas si j’allais pouvoir continuer à lire. J’ai choisi de poursuivre, poussée par la peur de pleurer une nouvelle fois, le lendemain. Je ressentais la douleur physiquement. Je pensais épuiser mes larmes. Mais elles ne sont pas taries. Le lendemain, j’ai voulu confier mes émotions à mon mari : les sanglots m’ont empêchée de parler. Mon coeur saigne et est empli de doux souvenirs de Valmy, mon chien adoré. C’est beau et bouleversant. Je suis, à la fois, apaisée et meurtrie.
Son odeur après la pluie est une magnifique déclaration d’amour. C’est un coup de cœur pour moi.