
L’affaire Cherkassky
Aurélie Ramadier
Editions Balland
Quatrième de couverture
Moscou, 23 octobre 1981. Echappé du goulag, poursuivi par le KGB, Nicolas Cherkassky parvient enfin à franchir les murs de l’Ambassade de France. Il est sauvé. Cela fait 37 ans qu’il attend ce moment. 37 ans qu’il est retenu en URSS contre son gré.
Paris, au début des années 2000. Camille, une jeune journaliste, découvre son histoire. Les zones d’ombre ne tardent pas à apparaître autour de ce personnage énigmatique, passé à l’Ouest en pleine Guerre Froide. Cherkassky, victime ou espion?
Journalistes, artistes, hommes d’affaires, professionnels du renseignement : l’enquête mènera Camille à ceux qui ont connu Cherkassy. Mais le passé trouvera dans le présent des résonances inattendues. Confrontée à des faux-semblants, des résistances et des hostilités invisibles, la jeune femme manquera de se perdre.
L’affaire Cherkassky oscille entre hier et aujourd’hui, entre les avenues parisiennes et l’immensité soviétique, entre les réceptions diplomatiques, les baraquements du goulag et les bancs de l’université, entre Bagnolet, Toronto, Marseille et Islamabad. A la fois roman d’espionnage et récit d’une existence hors du commun, il s’inspire d’une histoire vraie, celle d’un homme ordinaire qui connut une vie extraordinaire.
Mon avis
Paris, septembre 2004. Camille, étudiante à La Sorbonne, aimerait devenir journaliste. Grâce à une relation de ses parents, elle est reçue par « le directeur du Tribun, un des magazines les plus respectés du monde de la presse. » (p. 14) Ce dernier accepte de la mettre à l’épreuve. D’ici quelques mois, sa rédaction va sortir un numéro spécial sur la Russie ; il lui impose un article « qui présenterait la culture russe sous un angle positif ». (p. 21) Il veut qu’elle choisisse un thème sympathique, original et apolitique.
Au départ, Camille envisage d’analyser Farewell (une affaire extraordinaire d’espionnage), sous un angle littéraire. Pendant ses recherches, elle découvre une page arrachée d’un livre. Elle est intriguée. Ses investigations la mènent sur les traces de Nicolas Cherkassky : son histoire est si incroyable et si trouble qu’elle décide qu’elle sera le sujet de son article.
En 1945, âgé de seize ans, Nicolas Cherkassky part, en Russie, rencontrer sa famille paternelle. Malgré les avertissements américains pendant le voyage, il n’appréhende pas le danger. Or, dès son arrivée, il tombe sous la loi soviétique et n’est plus Français. Quelques mois plus tard, il est condamné pour entrée illégale en URSS et envoyé au Goulag. Pendant trente-sept ans, il est retenu contre son gré en terre soviétique. Jusqu’à ce jour d’octobre 1981 : surveillé par le KGB, blessé et échappé du goulag, il parvient à contacter l’ambassade française et à rentrer en France, à bord d’une R5.
A travers ce personnage, Aurélie Ramadier s’est interrogée sur l’extraordinaire destin d’un ami de ses parents,… échappé du goulag, poursuivi par le KGB et rentré en France, trente-sept ans après son exil. Par la voix de Camille, elle explore les parts d’ombre de ce dernier. La jeune journaliste est la narratrice. Intriguée par l’épopée terrible de Nicolas Cherkassky, elle se jette corps et âme dans une enquête. Elle recherche des personnes, qui ont connu celui qui l’intrigue, qui détiennent des éléments pouvant éclairer sa personnalité ; elle espère remplir les vides de son existence afin de répondre à cette question : était-il une victime ou un espion ? Elle s’interroge sur les ramifications russes et françaises. Ses doutes et ses convictions, ainsi que les nôtres, oscillent au fil de ses rencontres.
L’affaire Cherkassky relate le destin effroyable et miraculeux d’un homme mystérieux, à qui la Guerre froide a volé trente-sept ans d’existence. Pourtant, de nombreux secrets entourent les faits et de nombreux pans de son histoire sont inconnus. Camille tente de reconstituer le tableau complet et de comprendre qui était vraiment l’objet de sa quête. Elle rencontre d’anciens espions, des reporters, d’anciens amis, etc. de Nicolas et s’aperçoit que les versions diffèrent, selon les personnes. A elle, de confronter ses sources et de lire entre les lignes. Plus les pistes s’accumulent, plus l’ensemble devient opaque. Ce récit d’espionnage est passionnant.
Ce livre est aussi une photographie de l’URSS. Il raconte le climat de peur, de surveillance, de méfiance et de menace, qui s’étend au-delà des frontières. Il décrit, également, les terribles conditions des goulags et est, souvent, glaçant. L’atmosphère est une part importante du récit, elle est décryptée sous différents angles, en fonction des connaissances géopolitiques et des fonctions des personnages (reporter, espion, cadre de l’administration centrale, danseur, etc.). Les confessions ou stratagèmes sont explorés, sous l’œil de Camille, une Occidentale, dans les années 2000. Je me suis sentie proche d’elle, mes questionnements et mes doutes se calquaient sur ses perceptions. J’ai aimé son approche nuancée et objective et ses remises en perspectives perpétuelles des évènements. Cependant, son étude n’est pas seulement factuelle, elle y mêle ses sentiments et son empathie. Son cœur est, parfois, meurtri. J’ai été sensible à son envie de vérité et son apprentissage au sujet de ses formes différentes, quand on tient compte de l’humain.
Ce roman m’a tant captivée que je l’ai plus vite que je ne l’escomptais. J’ai eu un immense coup de cœur pour cette fresque passionnante, qui mêle l’espionnage, les faits historiques de la Guerre froide, la douleur, les secrets, les mensonges, la quête de vérité, le totalitarisme, les émotions, la torture et l’héroïsme.
Je remercie sincèrement Aurélie Ramadier pour sa confiance.
Un commentaire