
Le Silence et la Colère
Pierre Lemaitre
Editions Calmann-Lévy
Quatrième de couverture
Un ogre de béton, une vilaine chute dans l’escalier, le Salon des arts ménagers, une grossesse problématique, la miraculée du Charleville-Paris, la propreté des Françaises, « Savons du Levant, Savons des Gagnants », les lapins du laboratoire Delaveau, vingt mille francs de la main à la main, une affaire judiciaire relancée, la mort d’un village, le mystérieux professeur Keller, un boxeur amoureux, les nécessités du progrès, le chat Joseph, l’inexorable montée des eaux, une vendeuse aux yeux gris, la confession de l’ingénieur Destouches, un accident de voiture. Et trois histoires d’amour.
Mon avis
Quel bonheur de retrouver la famille Pelletier, qui m’avait fascinée dans Le grand Monde (ma chronique est ICI), le premier opus de cette saga !
1952. Cette fois encore, le roman est introduit par le pèlerinage, à la gloire de la savonnerie familiale, fondée par Louis (le patriarche), qui se déroule le premier dimanche de mars. Les enfants se demandent comment y échapper, mais savent qu’ils n’en ont pas la possibilité. Cette année, une surprise les attend. Leur père s’est lancé dans un nouveau projet et regrette leur manque d’intérêt à son annonce. Peu importe, lui déborde d’enthousiasme.
François, Jean et Hélène ont d’autres préoccupations. Le premier, journaliste, relance l’enquête sur l’actrice assassinée dans un cinéma, quatre ans plus tôt. Il veut prouver ses compétences. Il est, également, déstabilisé par sa vie amoureuse. Le deuxième continue à extérioriser son mal-être, de la manière singulière qui nous avait été révélée dans le premier tome. Il est celui que je voudrais détester et qu’à mon grand effroi, je ne parviens pas à haïr. Je m’inquiète pour lui, je ressens un sentiment de piété, au sujet de sa vie conjugale, alors que ses actes m’effarent. Il provoque une ambivalence en moi, très perturbante. Geneviève, sa femme, m’amuserait, si son caractère acariâtre ne provoquait pas des drames et des douleurs. Bon, je l’avoue : sa méchanceté, sa mauvaise foi et ses manipulations m’ont, souvent, fait rire. Quant à Hélène, elle fait ses premiers pas dans le journalisme. Après avoir traité le sujet brûlant de la propreté des Françaises, elle est chargée d’un reportage sur la mort programmée d’un village. En parallèle, elle doit, rapidement, régler sa situation personnelle. J’ai eu l’impression qu’elle était plus présente et mon attachement à elle s’est amplifié. J’ai aimé la part accordée à sa sensibilité et à ses tourments.
Comme dans le premier tome, les intrigues s’emmêlent, les évènements tourbillonnent et conduisent à des cyclones, à des cataclysmes. Pierre Lemaitre s’empare de thèmes forts, tels l’avortement, la maltraitance, les conditions de travail des femmes, les conséquences tragiques du progrès et l’ébullition de certains changements commerciaux, etc. Certains sujets sont traités sous le spectre de la colère et d’autres sont recouverts du voile du silence. De manière collective ou individuelle, la famille Pelletier est au cœur d’une société en ébullition. Sous différents angles, l’auteur décrit une période-charnière de notre société : elle suit la Seconde Guerre mondiale et précède notre époque. Des luttes en sont à leurs balbutiements, d’autres n’ont encore pas commencé et des relents de Vichy imprègnent la condition féminine. Emportée par cet ouragan, je suis passée de l’émotion à la stupéfaction, de la révolte à la tendresse, de l’effarement à la subjugation. Les termes que j’avais employés pour qualifier le premier tome, me semblent appropriés pour celui-ci aussi : le récit est incandescent, poignant, amusant, émouvant, révoltant. J’ai eu un coup de cœur aussi puissant pour les deux livres.
Je remercie sincèrement Doriane des Éditions Calmann-Lévy pour ce service presse.
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