Le Silence des rives, Roger Judenne

Le Silence des rives

Roger Judenne

Editions de Borée

Collection Terres d’écriture

Quatrième de couverture

Autour d’elle, un silence épais a remplacé le vacarme assourdissant des obus allemands et des cris de panique. Toinette lance alors un appel au ciel : « Papou ! Papou : « 
Mais Papou est resté sur l’autre rive, inatteignable à cause du pont rompu. Sans rien saisir au tragique de la situation, Toinette s’accroche au couple qui vient de lui sauver la vie. Mais dans le tumulte du bombardement, celui-ci ne s’est pas aperçu que la petite était différente…

Mon avis

Juin 1940, pendant l’exode, les avions mitraillent les réfugiés qui fuient l’avancée allemande. Lors de leur premier passage, Toinette clame qu’elle n’a pas peur. Mais les stukas vrombissent à nouveau : sa mère meurt et son père semble dormir. « Lève-toi, Papou. Toinette a peur. Dors pas. » (p. 17) Elle panique et elle crie. Les avions reviennent et une femme crie à la petite fille de courir. Celle-ci a le temps de franchir le pont avant qu’il ne soit bombardé ; Papou est sur l’autre rive. Toinette suit le couple qui l’a protégée. Elle est ensuite confiée à un orphelinat, transformé, temporairement, en accueil pour les réfugiés.

Depuis l’Occupation, des listes sont publiées, permettant aux parents de retrouver leurs enfants. Hélas, personne ne vient chercher Toinette. Elle ne sait pas le nom de son village et ne sait pas épeler son identité. La description notée sur sa fiche indique qu’elle est probablement « pensionnaire d’une maison d’aliénés » (p. 105). Aussi, en septembre, elle est internée.

Toinette est différente : elle est « mongolienne ». Au début de ma lecture, j’ai été gênée par ce mot, puis sa répétition et l’utilisation de ce terme par ses parents, m’ont rappelé que c’était ainsi que la trisomie était désignée. L’auteur s’est attaché à montrer la perception qui en était faite, pendant la guerre. En effet, c’est en 1959, que les travaux du Docteur Jérôme Lejeune ont été publiés. « En conclusion, nous pensons pouvoir affirmer que le mongolisme est une maladie chromosomique, la première à être démontrée définitivement dans notre espèce » (J. Lejeune, M. Gautier et R. Turpin, « le mongolisme, maladie chromosomique », in Bulletin de l’Académie nationale de médecine, p. 143, 2nd trimestre 1959).

Toinette est extrêmement attachante. Elle s’adapte à sa nouvelle situation, portée par l’espoir de la venue de son Papou. Elle n’a pas une once de méchanceté : elle est bienveillante et attentionnée. Au sein de l’institut, elle se rend utile : elle connaît très bien les travaux de la ferme ; elle est aussi attendrie et attirée par les personnes grabataires, à qui elle tente d’apporter du bien-être. Hélas, elle ne peut rien contre la faim, le froid et le manque de soins.

Le nouveau directeur perçoit que les Allemands organisent une mort lente de ses pensionnaires, jugés inutiles par l’occupant. Médecin hospitalier et prisonnier de guerre, Roger Vanaker a été affecté de force à l’asile d’aliénés, alors qu’il ne connaît pas la psychiatrie. Il est démuni face au manque de nourriture, de chauffage et de couvertures et voit ses patients mourir les uns après les autres. Avec le peu de moyens dont il dispose, il se bat pour sauver ceux qui peuvent encore l’être. En introduction, l’auteur indique que « Pendant l’occupation 1940–1944, plus de 50 000 malades mentaux sont morts de faim et de froid dans les asiles d’aliénés français. En référence à la Shoah, les historiens disent que ces malades mentaux, arriérés et handicapés ont été victimes d’une « extermination douce » ». Roger Judenne relate la mise en place de l’eugénisme dans les établissements. Certains passages meurtrissent le cœur et révolte.

Le Silence des rives raconte l’histoire d’Antoinette, une préadolescente trisomique. Il décrit la perception de sa différence par les autres et par elle-même, les conditions de vie inhumaines des pensionnaires de l’asile et les conséquences physiques et psychologiques des mauvais traitements, telles que les bagarres pour manger, la cachexie, les maladies, les œdèmes, etc. L’héroïne principale est très touchante. Sa gentillesse, son innocence et ses espérances m’ont émue. J’ai adoré ce roman.

Je remercie sincèrement Virginie des Éditions de Borée pour ce service presse.

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