Il était une fois la guerre, Estelle Tharreau

Il était une fois la guerre

Estelle Tharreau

Editions Taurnada

Quatrième de couverture

Sébastien Braqui est soldat. Sa mission : assurer les convois logistiques. Au volant de son camion, il assiste aux mutations d’un pays et de sa guerre. Homme brisé par les horreurs vécues, il devra subir le rejet de ses compatriotes lorsque sonnera l’heure de la défaite.

C’est sa descente aux enfers et celle de sa famille que décide de raconter un reporter de guerre devenu son frère d’âme après les tragédies traversées « là-bas ». Un thriller psychologique dur et bouleversant sur les traumatismes des soldats et les sacrifices de leurs familles, les grandes oubliées de la guerre.

« Toutes les morts ne pèsent pas de la même manière sur une conscience. »

Mon avis

Le narrateur, anonyme jusqu’à la moitié de l’histoire, a écrit ce livre pour « réhabiliter l’honneur d’un homme » (p. 9). Cet homme s’appelle Sébastien Braqui. C’est un militaire. Il a refusé d’être fantassin, malgré ses qualités en tant que tireur. Il voulait conduire un camion, comme son père routier.

Le récit débute dans un aéroport. Les militaires rentrent d’une mission au Shonga. Un comité d’accueil les attend avec des mots emplis de haine. La foule est furieuse envers son armée. Chassés par les Shongais (Sébastien garde un hématome sur sa tempe d’une pierre lancée par un enfant), incompris par leur pays, les soldats sont exfiltrés. « Le privilège des vaincus : chassés par les vainqueurs et honnis par leurs propres compatriotes. » (p. 14)

Ensuite, le narrateur remonte le temps. Il raconte le premier départ de Sébastien pour le Shonga. « Il ignorait alors qu’il connaîtrait de nombreux autres tarmacs dans sa carrière, mais que, toujours, un avion le ramènerait sur ceux du Shonga comme si il était enchaîné à cette terre et à sa guerre. » (p. 21) Il ne le savait pas encore, mais l’éloignement avec Claire, son épouse, n’était pas que géographique. La fin s’amorçait. Ils ont, pourtant, cru que leur amour survivrait au cannibalisme de l’armée qui dévore ses hommes. Ils ont cru en l’avenir et ont eu un enfant : Virginie.

Mais au fil des missions, Sébastien a changé. Claire aussi. La rupture entre les militaires et les civils s’est affirmée. Les premiers ne pouvaient raconter les horreurs qu’ils vivaient et celles auxquelles ils assistaient. Les seconds refusaient que leur pays participe cette guerre qui n’était pas la leur. Tous avaient la même crainte, mais ne tiraient pas les mêmes conclusions.

Ce roman est noir et terriblement poignant. Nous assistons à la descente aux enfers d’un homme qui consacre sa vie à la sécurité de ses compatriotes et qui ne peut confier ce qu’il endure et les choix traumatisants auxquels il est confronté ; ses remords s’expriment dans ses cauchemars et dans ses quêtes. La bouteille devient sa seule amie. Il est lâché par ses deux familles ; celle qu’il a construite et celle qui l’a incorporé : l’Armée. Incompris des siens et abandonné par l’institution, il est seul pour affronter ses traumatismes. Seul, mais surtout, banni de tous. Plus il s’enfonce, plus il est rejeté. Plus il est rejeté, plus il s’enfonce. 

Le narrateur navigue entre plusieurs temporalités. Il nous explique les causes du changement d’attitude de Sébastien : les massacres, les tortures, la mauvaise gestion des épidémies, etc. Puis, il décrit les conséquences sur le psychisme du soldat : sentiment d’humiliation, d’abandon et d’échec, désir de vengeance, colère, stress post-traumatique, etc. C’est une immersion abyssale dans l’univers de la « Grande muette ».

Il était une fois la guerre est un roman psychologique qui remue, par la violence de ce que nos soldats affrontent lorsqu’ils partent en mission, mais aussi lors de leur retour à la vie civile. Il montre, également, les difficultés vécues par les conjoints pour qui la vie s’organise en fonction de l’Armée et qui ne savent pas toujours ce que vit l’être aimé. Il dépeint l’influence du traitement médiatique et de l’utilisation politique sur la perception des missions effectuées par les soldats. Ce livre est aussi un suspense autour de l’engrenage de haine dans lequel sombre Sébastien. Attachés à lui, nous aimerions le rattraper et le sauver de lui-même.

J’ai eu un coup de cœur pour ce roman déchirant.

Je remercie sincèrement Joël des Éditions Taurnada pour ce service presse.

De la même auteure

Les eaux noires

La peine du bourreau

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s