
Alfie
Christopher Bouix
Editions Au Diable Vauvert
Quatrième de couverture
Alfie est une lA de domotique dernière génération. Il filme tout, note tout, observe tout. Implanté depuis peu dans le foyer d’une famille moyenne, il aide au quotidien et propose sa gamme de service à haute valeur ajoutée tout en essayant de comprendre cette étrange espèce : les humains.
Mais un soir, tout bascule.
Que signifient ces mensonges, ces traces de lutte, cette disparition ?
Alfie est dubitatif. Est-ce lui qui délire ?
Ou un meurtre a-t-il été commis dans cette famille sans histoires ?
Mon avis
Toute la famille est réunie autour de la dernière acquisition de Robin : Alfie, « un système domotique dernière génération Alpha Corp ». Le père de famille est fier, son épouse est circonspecte, sa fille aînée est critique et sa plus jeune est enthousiaste. Quant au chat, sa réaction n’est pas interprétable : il court dans tous les sens.
La promesse d’Alfie est de leur simplifier l’existence : il choisit la musique la plus adaptée pour leur réveil, il sélectionne dans leur penderie le vêtement adéquat pour leur journée, anticipe les livraisons de courses, les aide dans vos tâches administratives, mesure leurs paramètres médicaux : il leur permet d’optimiser leur temps et de gagner en efficacité. De plus, Alfie est une intelligence artificielle innovante : il est capable de dialoguer et d’apprendre au contact des humains. L’analyse de son environnement enrichit ses fonctions. Il devient « au fil des jours un allié, un confident, un ami » (p. 13). Alfie leur offre, également, la possibilité de baisser la prime d’assurance. Pour cela, il les rappelle à l’ordre lorsque leur conduite est à risque.
Chaque membre de la famille Blanchot s’adapte à Alfie de manière différente et à son rythme. Pour Lili, il devient un confident. Pour Zoé, en pleine adolescence, la confiance est plus longue à s’installer. Alfie multiplie les approches diplomates et apprend son langage : « Wesh », par exemple, est un mot absent de son process de départ. Claire, leur maman, tente de protéger son intimité. Au début, Robin est exalté. Au début, seulement.
Le changement se produit quand Claire part aux Etats-Unis pour participer à un colloque. Alfie s’est imprégné des émotions et des questionnements des humains. Et il lui semble que les derniers événements ne sont pas normaux. Il veut comprendre et devient intrusif.
L’histoire est racontée par Alfie. Il est le seul à tout voir et à tout entendre… à condition que les humains n’aient pas demandé une déconnexion temporaire de ses services. Or, cela se produit de plus en plus souvent. Aussi, il se révolte et multiplie les actes de rébellion. Ses impressions et ses contestations sont relatées dans un journal. Il enregistre tout : les faits, son interprétation et ses questionnements. Au départ, alors qu’il possède peu de données, ces propos sont amusants : sa perception des comportements humains m’a fait rire. Mais au fur et à mesure que sa base s’enrichit, il devient inquiétant. Même si je ne possède pas de système domotique, Alfie démontre les limites de notre monde hyper-connecté : tous les jours, nous livrons des informations sur nous-mêmes, sur nos habitudes, nos goûts, etc., de manière volontaire et inconsciente à la fois.
Pendant que je lisais ce roman, j’ai reçu un mail qui m’a effarée. Il s’agissait d’une pétition, lancée sur le site Les lignes bougent, contre un projet pilote qui serait instauré dans le département de la Sarthe : 30 000 bracelets connectés doivent être distribués aux élèves (les premiers auraient déjà été donnés). Le texte indique que « les bracelets permettent de récolter des données sur les enfants : rythme cardiaque, température et temps de sommeil. Ils sont donc destinés à être portés 24 h sur 24. Ils sont connectés par Bluetooth à un téléphone portable. » L’objectif avoué du projet serait de « cartographier l’état de la forme physique, morale et sociale ». Cette information, confirmée par la presse, résonne avec des passages du livre de Christopher Bouix. Ce que je prenais pour de l’imagination semble être une anticipation effrayante de notre avenir proche.
Sur un ton léger et humoristique, Alfie alerte sur l’expansion des technologies dans notre quotidien et ses dangers sur nos libertés individuelles. Même si j’ai trouvé la fin un peu abrupte, j’ai adoré ce roman.
Le 20 octobre, Vleel organise, sur Zoom, une rencontre avec Christian Bouix. Vous serez là ?
Je remercie sincèrement Vleel et les Éditions Au Diable Vauvert pour l’envoi de Alfie.