Faire bientôt éclater la terre, Karl Marlantes

Faire bientôt éclater la terre

Karl Marlantes

Editions Calmann-Lévy

Traduction de Suzy Borello

Quatrième de couverture

« Elle apprenait ce qu’impliquait le fait de mener des hommes. Un meneur doit être à la hauteur ou on l’abandonne. »


Fuyant l’oppression russe du début du XXe siècle, trois jeunes Finlandais, Ilmari, Matti et leur soeur Aino, émigrent aux États-Unis, dans une colonie de bûcherons près de la Columbia River.


Abattre les arbres de la région se révèle une activité lucrative pour les patrons, d’autant qu’aucune loi ne protège les ouvriers. L’impétueuse Aino décide donc d’organiser un embryon de syndicat et lance une série de grèves violemment réprimées, tandis que ses frères tentent de bâtir leur nouvelle existence.


Au fil des ans, entre amours parfois tragiques, épreuves et rêves brisés, la fratrie va poursuivre sa quête d’une vie meilleure.


Saisissante de vérité, cette saga familiale raconte aussi bien les beautés de la forêt primaire et les ravages causés par son exploitation que les combats d’une génération entière en proie aux remous d’une Amérique qui se construit à toute vitesse.

Mon avis

1891, en Finlande. Maíjaliisa Koski revient chez elle, après trois jours d’absence. Lorsqu’elle est partie, ses enfants avaient une légère fièvre. Pendant qu’elle aidait une femme suédoise à accoucher, ses deux filles aînées et son petit dernier sont morts. « Peu survivaient au choléra. » (p. 15) « Cette nuit atroce marqua chacun des enfants différemment. » (p. 16) Aino, âgée de trois ans, a compris que personne ne viendrait. Ilmari, à douze ans, « sut qu’il existait un Dieu et que ce Dieu devait être craint, mais qu’il envoyait aussi des anges. Lemminki Matti, lui, n’avait pas vraiment compris ce qui s’était passé et en garda une vague inquiétude pour l’avenir. En grandissant il comprit que les riches avaient moins peur de l’avenir que les pauvres. » (p. 17) Il a deux ans, au moment du drame.

Ilmari est le premier de la fratrie à émigrer en Amérique. Nous sommes en 1897. Son objectif est de s’assurer un avenir et de fuir l’appel de l’armée russe. Il s’installe en Oregon et s’engage comme bûcheron. Il est rejoint par Matti, forcé de fuir la Finlande, car menacé de prison, après une bagarre avec un officier russe. Aino retrouve ses frères, après avoir été torturée par l’Okhrana, la police politique secrète de l’Empire russe à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, à la suite de son arrestation pour trahison et sédition. Elle a adhéré « au Parti finlandais de résistance active, de violents révolutionnaires. » (p. 63) Très jeune, elle avait découvert Karl Marx et toute sa vie, elle restera une « rouge ». Cette saga déroule leur vie, sur les berges de Deep River.

Les bûcherons effectuent un travail titanesque et dangereux. Comme le montre la photo de la couverture, les troncs peuvent atteindre des diamètres de huit mètres et ont une hauteur gigantesque. La mort fait, hélas, partie du métier. Les descriptions sont charnelles, les hommes font corps avec les arbres. J’ai été impressionnée par leur art et leur maîtrise ; ils sont conscients des risques, des accidents endeuillent, régulièrement, la colonie, mais chaque matin, avec héroïsme, ils sont à leur poste.

 Alors que les patrons s’enrichissent, les bûcherons reçoivent des salaires dérisoires pour des journées interminables. Aino, au tempérament de feu, se révolte contre les injustices du capitalisme. Communiste convaincue, elle participe à des réunions, recrute des adhérents dans l’objectif de créer un syndicat pour défendre les droits des travailleurs, par le biais de grèves et de revendications. Hélas, elle ne vit que pour ses combats contre l’injustice. Aussi, malgré la noblesse de sa lutte, elle fait souffrir ses proches au nom de son idéal. Elle provoque le malheur de ceux qui l’aiment. Elle ne mesure les conséquences de ses actes, qu’une fois devant le fait accompli. Paradoxalement, elle peut sembler égoïste envers sa famille, alors qu’elle se bat pour les opprimés. Le collectif l’emporte sur l’individualité des siens.

Faire éclater la terre est une grande fresque historique, politique et sociologique (de plus de 850 pages) qui décrit l’Histoire des Etats-Unis, pendant le premier tiers du XXe siècle, à travers le regard d’immigrés scandinaves. Les personnages sont nombreux. Ils ont des attentes différentes. Leur caractère et leur histoire ne se ressemblent pas, mais tous participent à la création d’un nouveau monde. Ils s’inscrivent dans la construction d’une Amérique en pleine mutation, dans laquelle les intérêts s’opposent, en particulier ceux des patrons et des ouvriers. Ce roman est, également, une saga familiale passionnante et ardente, avec au centre des rebondissements nombreux, des frères et sœur aux aspirations, parfois opposées, mais unis par un amour fraternel plus fort que les dissensions. J’ai adoré ce roman captivant, qui alterne entre des phases de contemplation et des passages tumultueux.

Je remercie sincèrement Doriane des Éditions Calmann-Lévy pour ce service presse.

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