
Après l’océan
Laurence Peyrin
Editions Calmann-Lévy
Quatrième de couverture
Rescapées du Titanic, que deviendront les deux soeurs Alistair, seules dans un New York inconnu ?
En ce printemps 1912, parmi d’autres naufragés hagards tirés de l’océan, Letta Alistair, 24 ans, serre contre elle sa petite soeur Molly en regardant approcher la statue de la Liberté. Elles sont les deux seules survivantes de leur famille, engloutie comme 1491 personnes avec « l’insubmersible » Titanic.
Les soeurs Alistair ont tout perdu. Leur père, Charles, dit le roi de la tourte, célèbre pour ses pâtes brillantes, ses viandes moelleuses mêlées d’oignons caramélisés, avait embarqué famille et biens pour développer son savoir-faire à New York. Letta ne peut même pas s’autoriser le désespoir, car Molly l’inquiète, plongée depuis le drame dans un profond mutisme.
Le naufrage du Titanic est un événement majeur qui secoue toute l’Amérique, et les victimes sont prises en charge, logées à l’hôtel, examinées à l’hôpital. Et après ? Letta va devoir puiser très loin en elle pour survivre dans ce New York qu’elle n’aime pas et qu’elle ne comprend pas. Et se battre pour sauver sa petite soeur bientôt qualifiée de « folle » dans un siècle qui traite mal les fous…
Une atmosphère à la Downton Abbey vue d’Amérique : New York en 1912, la fin flamboyante d’une époque.
Mon avis
A Portsmouth, en Angleterre, Charles Alistair était surnommé « le roi de la tourte ». A l’été 1911, des riches Américains sont entrés dans sa boutique. L’un d’entre eux, séduit par ses produits, lui a assuré qu’il ferait fortune à New York. Il lui a laissé sa carte et lui a promis que s’il s’établissait en Amérique, il investirait dans son commerce. En mars 1912, Charles a vendu sa boutique et a acheté des billets de deuxième classe « sur le plus grand et le plus beau paquebot du monde » (p. 15). C’est ainsi qu’il a embarqué sur le Titanic, avec son épouse, ses deux filles, son fils et son gendre. Seules les deux sœurs posent le pied sur le sol américain. Elles sont les seules survivantes de la famille. La nuit du 14 au 15 avril, la mer a englouti 1491 personnes. Letta et Molly se retrouvent seules au monde, dans un pays qu’elles ne connaissent pas.
Les premiers jours, elles sont prises en charge : elles sont logées à l’hôtel et subissent un examen médical. Mais comment survivre à un tel chagrin ? Alors que Molly s’est enfermée dans le silence, Letta ne peut s’effondrer : leur existence repose sur ses épaules. Elle se démène et accepte les mains tendues. Hélas, sous couvert de bonnes intentions, c’est un poison qui s’infiltre dans leur quotidien. Le traumatisme de Molly n’est pas compris. Dans cette nation cosmopolite, la différence n’est pas acceptée et doit être cachée : la jeune fille est alors qualifiée de folle.
Après l’océan raconte les jours qui ont suivi le drame qui a pris de nombreuses vies. Il décrit les difficultés pour les survivants : celles pour tenir physiquement et psychologiquement. Letta ne peut laisser abonder sa peine, car elle a la responsabilité de sa petite sœur, son « P’tit Chou ». Leur histoire intéresse les journalistes et les commères avides de récits sensationnels, mais la jeune veuve affronte les épreuves avec dignité. Seul le bien-être de Molly lui importe. Hélas, d’autres personnes pensent savoir mieux qu’elle ce qui peut aider sa sœur. Mais c’est sans compter l’amour incommensurable qui les unit : Letta ne l’abandonne pas. Aidée par Natalie, une femme qui connaît le rejet de la différence, elle se bat pour leur bâtir un destin différent que celui que la société veut leur imposer.
Ce roman est l’histoire de femmes destinées à une vie simple et heureuse que les épreuves ont transformées en femmes fortes et combatives. Pour tenir, pour vivre et pour avoir le droit d’exister. C’est une lutte pour la personne qu’elles aiment : c’est un magnifique roman sur l’amour qui unit les fratries. C’est le récit d’une reconstruction difficile, semée d’embûches, mais toujours emplie d’espoir, c’est aussi celui de la transformation d’obstacles en force. Letta est plus forte qu’elle ne le pense. Après l’océan est, également, une dénonciation sur la manière dont étaient traitées les personnes différentes, en 1920, à New York, où seuls les succès étaient approuvés (les rejets ont changé de cible, mais sont toujours présents). Il rappelle que nous sommes riches de ce qui nous différencie. Les personnages ne sont pas des héros, mais le deviennent par ce qu’ils apportent aux autres, que ce soit en sauvant les canards, en aidant deux orphelines, en comprenant ses erreurs, en rattrapant le passé ou en étant présente pour sa sœur. C’est un récit de vie.
J’ai été très touchée par l’histoire de Letta, de Molly, de Natalie et de Jacob. Après l’océan est un coup de cœur pour moi.
Je remercie sincèrement Doriane des Éditions Calmann-Lévy pour ce service presse dédicacé.
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