
Héritages
Monika Helfer
Editions Albin Michel
Quatrième de couverture
« Quand cette histoire commence, ma mère n’est pas encore née. Quand cette histoire commence, elle n’a même pas été conçue. L’histoire commence un après-midi où Maria étendait une fois de plus sa lessive sur la corde à linge. C’était au début du mois de septembre 1914. Elle aperçut le facteur en bas sur le chemin. Elle le vit arriver de loin. »
Josef et Maria Moosbrugger vivent avec leurs cinq enfants au fin fond d’une vallée de la montagne autrichienne. Ils sont pauvres, marginaux, méprisés des autres villageois. En 1914 la guerre éclate, Josef est enrôlé et doit partir. Livrés à eux-mêmes, Maria et ses enfants dépendent de la protection du maire. Mais quand Maria tombe enceinte peu après la brève apparition d’un étranger au village, rumeurs et jalousies se déchaînent. Que se passera-t-il au retour de Joseph ?
Autour de la figure lumineuse de sa grand-mère, Monika Helfer fait revivre un monde rural et âpre avec une sobriété pleine d’émotion. Ce court roman d’une densité exceptionnelle est aussi une réflexion sur l’invisible fardeau du passé qui leste les familles.
Mon avis
Maria et Joseph vivent dans une vallée autrichienne. Ils ont quatre enfants. Ils sont pauvres, marginaux et ils sont la cible des médisances des villageois. Ils habitent « la dernière maison, tout au bout là-haut. » (p. 15) On les appelle « les Fâcheux ». Cela date de l’époque du père et du grand-père de Joseph, qui étaient porteurs ; ils n’avaient pas de toit et étaient journaliers. « C’était le plus vil des métiers, plus vil que valet de ferme. » (p. 15)
Maria est une très belle femme, elle plaît à tous les hommes et les femmes en sont jalouses. Son mari, Joseph, le sait. Aussi, lorsqu’en septembre 1914, il reçoit son ordre de mobilisation, il demande au maire de « garder un œil sur Maria pendant qu’il sera au front » (p. 19) L’élu est chargé d’apporter des provisions à la famille et de veiller à ce qu’aucun homme ne monte voir l’épouse. Lui-même entretient des rêveries dans lesquelles la belle femme tient le rôle principal.
Pendant la guerre, Maria tombe enceinte. Cette grossesse se déclare après la visite d’un Allemand. Même si Joseph bénéficie de permissions, les villageois décident que cet enfant ne peut pas être le sien. Maria est la cible de méchanceté et de jalousie. Ce bébé est la mère de l’auteure. Hélas, la petite Margarethe a grandi sans l’amour de son père. Ce dernier a toujours rejeté celle qu’il supposait être le fruit de l’adultère.
Monika Helfer déroule les faits avant la naissance de sa maman et les conséquences du départ à la guerre de Joseph. Son absence a influé sur l’unité de sa famille, sur l’enfance de sa progéniture et sur les attitudes des voisins. Elle s’interroge, également, sur l’impact qu’elle a eu sur les générations suivantes et sur sa vie à elle. Elle est la narratrice et elle effectue des allers-retours entre l’histoire de sa grand-mère et sa propre enfance. Elle s’appuie, essentiellement, sur les souvenirs de sa tante maternelle et complète les vides avec son imagination. Aussi, les faits sont, souvent, suggérés. Pour certains, elle ne connaît que la cause, pour d’autres, que la conséquence et elle laisse nos pensées combler ce qui manque. L’atmosphère est calme, même lors des drames et des disputes. Elle m’évoque celle des classiques américains, avec le temps qui se déroule lentement, ponctué par des évènements qui ne surpassent pas l’ambiance, qui s’intègrent à elle et qui en font partie. C’est un roman intimiste. J’ai eu la sensation d’être dans la cuisine de mes grands-parents, écoutant Monika Helfer se confier sur ses ascendants et se questionner sur la transmission intergénérationnelle. J’ai aimé cette impression que l’auteure m’offrait sa confiance et qu’elle ne partageait ses secrets qu’avec moi.
La beauté de Maria était-elle un cadeau ou un fardeau ?
Je remercie sincèrement Claire des Éditions Albin Michel pour ce service presse.