La mort en partage, Thierry Rocher

La mort en partage

Thierry Rocher

Editions de Borée

Pierre Chalet, humoriste célèbre, perd sa femme et sa fille unique dans un attentat. Contre toute attente, il prend la décision de continuer à faire rire et remonte sur scène peu après ce drame épouvantable. Il montre rapidement une solidité morale qui force le respect du public et de ceux qui l’entourent. Et tandis que Pierre noue une relation particulière avec Jenna, jeune figure montante de l’humour et qu’il semble accepter de faire face aux angoisses et aux doutes qui l’étreignent, des membres présumés de réseaux terroristes sont assassinés, chaque fois avec un mode opérationnel différent. Peu à peu les contradictions de Chalet se révèlent.

Mon avis

Pierre Chalet est humoriste. Le samedi 24 février, il remonte sur scène, un mois après avoir perdu son épouse et sa fille, dans un attentat. Il émeut la France entière avec un discours humaniste, destiné à apaiser les haines. Il force le respect par sa dignité et les messages de paix qu’il transmet. En réalité, comme on peut le deviner, il est dévasté par le chagrin. Pourtant, il tient bon. Même s’il a réduit le nombre de représentations et d’interviews, il continue à faire rire son public. Il accepte même de partager la scène avec une jeune humoriste, Jenna, qui commence à percer. Lors d’une soirée, cette dernière assure sa première partie et les deux artistes nouent une amitié équivoque.

Pourtant, quand il est seul chez lui, Pierre rassemble des coupures de journaux sur une série de meurtres qui tient les médias en haleine : les islamistes, soupçonnés d’avoir participé à l’attentat qui a tué Eva et Fiona, sont tués les uns après les autres. Chaque exécution est perpétrée avec un mode opérationnel différent.

Le récit est conté par un narrateur extérieur, mais tous les chapitres sont entrecoupés de texte en italique qui dévoile les véritables pensées de Pierre et tous se terminent par une pirouette au sujet de la mort. Très vite, une contradiction apparaît entre l’attitude publique de l’humoriste et ses véritables sentiments. Il lui devient de plus en plus difficile de mettre le masque de la solidité, ses failles entaillent le roc et il s’effondre de plus en plus. Il est écartelé : le soir, il rit de tout pour amuser ses admirateurs et lorsqu’il se retrouve seul, le chagrin est insurmontable ; en public, il prône la paix, alors qu’en privé, il est empli de haine ; il souffre de la perte de sa femme, aussi, il culpabilise de l’attirance qu’il éprouve pour Jenna ; il est meurtri et il se raccroche à des futilités (ses repas, ses voyages, etc). Il décrit la complexité du deuil. Il montre les différentes facettes de l’artiste, qui doit laisser ses blessures en coulisses. Nous comprenons rapidement le cœur de l’intrigue. Malgré tout, la dualité de Pierre finit par nous faire douter de nos certitudes. Et si, l’objectif était de nous faire croire à l’évidence ?

Pendant une grande partie de ma lecture, j’ai beaucoup pensé à Antoine Leiris et à son livre Vous n’aurez pas ma haine. J’avais la sensation que Thierry Rocher était sur un fil et j’avais peur qu’il bascule dans une similitude que je n’aurais pas aimée. J’ai apprécié qu’au fil du livre, l’ombre de ce texte s’éloigne, car j’aurais eu une impression de sacrilège.

La mort en partage est un roman qui interroge et qui nous force à affronter nos convictions profondes. Je l’ai beaucoup aimé.

Je remercie sincèrement Virginie des Éditions de Borée pour ce service presse.

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