Celle qui criait au loup, Delphine Saada

Celle qui criait au loup

Delphine Saada

Editions Plon

Quatrième de couverture

« Quand les filles parlent d’elle, tout bas, entre deux portes, elles disent qu’elle est fière et hautaine, aussi belle qu’une lumière froide. On a rien contre elle, qui peut avoir un truc contre Albane, elle est parfaite ? Faut juste reconnaître que c’est pas normal de passer autant d’années à travailler avec une personne sans rien savoir d’elle. »

Albane est une infirmière modèle, respectée et appréciée de ses collègues, qui pourtant ne savent rien d’elle. Après des journées éreintantes dans son service, elle s’occupe de ses deux enfants jusqu’au retour de leur père. Elle le fait parce qu’il le faut, sans plaisir. Depuis peu, quelque chose la déstabilise et la dérange chez sa fille de six ans. Albane développe un comportement inquiétant envers Emma, au point d’alerter son mari qui ne lui laisse pas le choix…

D’une écriture intense et fulgurante, Delphine Saada décrit l’effondrement d’une femme contrainte
à revenir sur son passé, signant un roman qui trouble et bouleverse.

Mon avis

Albane est une infirmière consciencieuse. Elle est si investie dans son travail, qu’elle prend en charge les tâches de ses collègues. Ces derniers respectent son professionnalisme, mais ne la connaissent pas véritablement. Elle ne se livre jamais. Un jour, lors d’un repas partagé sur le pouce, dans la salle de pause, une phrase lui échappe : « Si je devais me retrouver seule avec les enfants, ça pourrait mal finir. » Pour Mathilde, une jeune fille sans enfants, cette déclaration a l’effet d’une bombe. Elle s’enquiert de la signification de ces mots, elle propose de l’aide à son aînée, qui refuse.

Le mari d’Albane, lui aussi, est inquiet ; il a remarqué qu’elle ne donne pas le même amour à leur fille qu’à leur fils. Un événement glaçant amplifie ses peurs. Il réagit en prenant des mesures pour soulager son épouse. Hélas, un autre épisode le pousse à la menacer. « –Regarde-moi bien. (Les mains de Sébastien enserrent son fin visage, elles pourraient le broyer.) Ou tu te fais soigner très vite, ou je te quitte et obtiens sans la moindre difficulté la garde exclusive des enfants. » (p. 138) Albane est forcée d’entreprendre une psychothérapie ; elle n’anticipe pas le bouleversement que cette démarche va provoquer en elle.

Cette critique est très difficile à écrire pour moi. En effet, j’ai lu plusieurs avis qui indiquaient que le thème principal était fort et surprenant. Cela m’a perturbée, car quand j’avais lu la quatrième de couverture dans le programme des Éditions Plon, j’avais eu la sensation de percevoir dans mes tripes le cœur du roman. 

Je ne trouve pas d’angle pour vous décrire ce récit qui m’a remuée, choquée, ébranlée et mise en colère. Je n’ai pas su prendre le recul nécessaire et mes sentiments envers Albane ont oscillé entre compréhension, empathie et colère. Mes émotions de maman ont dominé les autres. Aussi, les parties qui encadrent le centre de l’histoire m’ont révoltée et j’ai été bouleversée par ce que je ressentais. J’aurais aimé être plus à l’écoute d’Albane, accepter ses défenses et ses réactions. Je savais que je devais entendre ses appels et je m’en voulais de lui reprocher ses actes.

Mon intolérance m’attristait, car, en réalité, si je fais abstraction de ces deux éléments, je suis très proche d’Albane. Moi aussi, j’ai des rituels rassurants. Ma mémoire a le même fonctionnement que la sienne. Mes angoisses sont similaires à celles qu’elle occulte. Sa souffrance a résonné en moi, car l’auteure la décrit avec une grande justesse et une précision qui m’a chamboulée. J’ai compris Albane sur énormément de points, mais j’ai été désespérée par ses choix. J’ai espéré qu’affronter son passé lui permette d’entendre ses enfants. Je vivais un combat intérieur : j’étais une sœur de douleur, mais j’étais aussi une maman. Peut-être est-ce une différence de statut qui m’a offert cette possibilité. Un mot, une reconnaissance, un cheminement auquel Albane n’est pas parvenue… Ma rage est, en réalité, dirigée vers l’entourage d’Albane et par extension, vers une partie du mien.

Celle qui criait au loup est un roman qui m’a remuée. Il montre les répercussions des traumatismes du passé. C’est un livre d’une justesse implacable, qui fait mal et qui bouleverse. Je suis déstabilisée et ébranlée par mes émotions. C’est un roman puissant, sans faux-semblants, qui livre une réalité cruelle, mais réelle.

Je remercie sincèrement Constance et Claire-Aurélie des Éditions Plon pour ce service presse.

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