
L’affaire Rambla ou le Fantôme de Ranucci
Agnès Grossmann
Editions Presses de la Cité
Collection Intime conviction
Quatrième de couverture
C’est l’une des plus grandes affaires criminelles du XXe siècle. Le 3 juin 1974, à Marseille, Marie-Dolorès Rambla, huit ans, est enlevée sous les yeux de son petit frère, Jean-Baptiste, puis retrouvée morte deux jours plus tard.
Condamné à mort pour ce crime, Christian Ranucci sera guillotiné le 28 juillet 1976. Depuis, sa culpabilité a été remise en cause par l’écrivain Gilles Perrault dans son livre Le Pull-over rouge.
Quarante ans plus tard, Jean-Baptiste Rambla a tué deux femmes. Il est devenu un criminel à son tour. Devant les psychiatres, il invoque le fantôme de Ranucci qui le hante et ceux qui, selon lui, ont « volé la vérité ». En revenant sur l’affaire Ranucci, appelée aussi l’affaire « du pull-over rouge », Agnès Grossmann retrace la tragédie de la famille Rambla, anéantie par la perte et le chagrin, emportée sans ménagement dans la tourmente judiciaire et broyée par la machine médiatique.
Ce récit humain, impressionnant, au plus près des faits et de la vérité, raconte aussi toute une époque, celle du débat passionné sur l’abolition de la peine de mort.
Mon avis
En décembre 2020, s’est déroulé le procès de Jean-Baptiste Rambla. « Il comparaît pour le meurtre de Cintia Lunimbu commis en 2017. Il avait déjà tué Corinne Beidl en 2004. » (p. 9) Il connaissait sa première victime, la deuxième était une inconnue pour lui. Il justifie ses actes par la colère emmagasinée depuis le 3 juin 1974. L’accusé est le frère de Marie-Dolorès Rambla, enlevée et assassinée, quand elle était âgée de huit ans. Jean-Baptiste avait six ans et il jouait avec sa sœur, dans la cité des Chartreux, à Marseille. Une voiture s’est arrêtée et le conducteur a demandé aux enfants de l’aider à retrouver son chien noir. L’homme a dit au garçon de chercher d’un côté, pendant que lui cherchait de l’autre, avec Marie-Dolorès. C’est la dernière fois que la petite fille a été vue vivante.
A la suite de ses aveux, Christian Ranucci a été condamné à la peine capitale pour le meurtre de Marie-Dolorès. Cependant, la famille Rambla n’a jamais pu affronter sa douleur en paix. De victime, elle a été perçue comme responsable de la mort d’un innocent. Le grand public connaît cette affaire sous le nom de celle du Pull-over rouge. Cette image a imprégné les esprits, après la parution du livre de Gilles Perrault, en 1978. Christian Ranucci est devenu le symbole de l’erreur judiciaire et a appuyé le combat de Robert Badinter, pour l’abolition de la peine de mort.
Il y a une quinzaine d’années, je lisais beaucoup de livres qui traitaient d’affaires judiciaires. Lorsque j’ai eu terminé Le pull-over rouge, il m’était resté un sentiment de doute. Je ne pouvais dire si Christian Ranucci était coupable ou non, mais je n’étais pas certaine que ce soit lui, j’envisageais la possibilité forte d’une erreur judiciaire. Puis, j’avais lu L’affaire du pull-over rouge – Ranucci coupable ! de Gérard Bouladou. J’avais alors pris conscience que la manière d’utiliser les pièces d’un dossier influençait notre perception. En ce qui me concernait, je n’avais plus aucune conviction. Cependant, je n’avais pas, à l’époque, la maturité suffisante pour envisager le mal que pouvaient faire les écrits aux familles de victimes.
Ces deux ouvrages, que j’ai lus, sont analysés par Agnès Grossmann (ils ne sont pas les seuls). Celui de Gilles Perrault a détruit une famille, qui devait déjà affronter la pire épreuve qui existe : la perte d’un enfant. L’affaire Rambla ou le Fantôme de Ranucci n’a pas pour objectif d’absoudre les crimes de Jean-Baptiste Rambla, ni de les excuser. L’auteure respecte la souffrance des victimes de ce dernier et aucun meurtre ne se justifie. Elle relate, simplement, son parcours : dans l’ombre de celui qui a pris deux vies, plane celle de l’enfant qui n’a pas pu se construire. Elle explique que dans les années 70, aucune prise en charge psychologique n’était proposée aux enfants. Jean-Baptiste a grandi avec un sentiment de culpabilité : celle de n’avoir pas pu protéger Marie-Dolorès, alors qu’il n’était âgé que de six ans, et celle du survivant. Sa jeunesse se déroule dans un contexte d’acharnement médiatique dans lequel s’intensifie la colère de sa famille, qui en veut à la société d’utiliser leur peine pour alimenter le débat au sujet de l’abolition de la peine de mort.
Par cette enquête, Agnès Grossmann redonne leur place aux proches de Marie-Dolorès. C’est un essai édifiant qui rappelle que l’information ne doit pas suppléer le respect de la douleur des familles. La première partie est consacrée au déroulement des faits, à partir du 3 juin 1974. L’auteure s’est attachée à décrypter les pièces et les témoignages. La deuxième s’intéresse à la personnalité de Jean-Baptiste Rambla. J’ai été captivée par cet essai.
Je remercie sincèrement Babelio et les Éditions Presses de la Cité pour cette masse critique privilégiée.
Un retour sur une affaire judiciaire qui a fait bcp de bruit !
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Oui, c’est une affaire qui a marqué les esprits et qui est un symbole fort.
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