
Le Jardinier du fort
Corine Valade
Editions de Borée
Étudiante, Isabelle est également aide-ménagère auprès de Julien Larbre, un vieil homme malade qui a perdu le goût de la vie. Au fil des semaines, un lien se tisse entre ses deux êtres très différents et Julien lui confie ses souvenirs, du camp d’internement administratif au maquis, et de la paix qu’il a enfin retrouvée, au coeur des jardins ouvriers du fort de l’Est. Ce récit de vie qui démarre pendant la Seconde Guerre mondiale agite le passé d’Isabelle, qui commence alors à questionner sa mère et sa grand-mère : elle ne sait pas encore qu’elle va au-devant de lourds secrets…
L’auteure
Impliquée dans la vie associative et culturelle, Corine Valade se passionne pour la recherche historique et l’écriture. Dans ses nombreux romans, elle mêle avec dextérité fiction et faits réels. Ses livres offrent matière à réflexion sur les événements, faits de société parfois méconnus ou peu connus, ayant marqué la France des deux derniers siècles.
Mon avis
1994. Isabelle est étudiante en langues étrangères appliquées anglais-allemand. Sa bourse étant insuffisante, elle est également aide de vie auprès de Julien Larbre, un vieil homme, atteint de la maladie de Parkinson. Quand la jeune fille interroge le vieux monsieur sur sa vie passée, il ronchonne. Pourtant, lorsqu’il apprend que le journaliste et écrivain Roger Stéphane s’est suicidé, son émotion est vive et il accepte de se raconter. Le vrai nom de Roger était Worms, Stéphane était son nom de résistant. Il a été interné dans la Creuse, dans le camp administratif d’Evaux-les-Bains.
En 1943, Julien est chargé de coiffer les prisonniers et c’est ainsi qu’il rencontre Roger. Dès le début de la guerre, les convictions de son jumeau, Alexandre, sont connues : on le soupçonne d’être communiste et de mener des actions contre le régime pétainiste. Il a entendu l’appel du Général de Gaulle et a rejoint l’un des premiers maquis de la Creuse. Victor, son frère aîné, ne cache pas qu’il collabore avec les Allemands. Quant à Julien, il est celui qui écoute, de qui on ne se méfie pas et que l’on pense incapable de mener une action clandestine : les informations qu’il transmet sont précieuses pour la Résistance. Cependant, le danger habite la maison familiale : Victor est prêt à toutes les dénonciations pour soutenir le régime de Vichy. Le récit de Julien commence au début des années 40 et s’étend jusqu’à la période d’après-guerre.
Sur le plan historique, Le Jardinier du fort est d’une richesse extraordinaire. Tous les aspects de la guerre sont abordés : collaboration, Résistance, trahisons, courage, STO, camps, arrivée des Russes à Berlin, la Stasi (la police secrète de l’Allemagne de l’Est), le mur de Berlin, etc. Corine Valade donne la voix à tous ceux qui ont vécu cette période, quels que soient leur camp ou leur nationalité.
Tous les thèmes sont traités sous un angle humain. Cela commence avec les déchirements de Sidonie et Camille Larbre : ils ont trois fils, dont l’un est prêt à les sacrifier au nom d’une idéologie. Mais il est leur enfant. Ils ont peur pour celui de la fratrie qui prend des risques, pour lui et pour eux, mais qui partage leurs idées. Il y a aussi cette petite fille à sauver… Ensuite, certains ne choisissent pas d’être des héros et sont exemplaires. La guerre tue et peut faire perdre l’identité. Cette notion peut devenir floue, fausse, mais elle peut être recherchée. Après, surgit l’écartèlement entre l’attachement à des personnes en raison de leur bonté, mais le rejet de ce qu’ils représentent. Ensuite, la barbarie commise au nom de la justice et de la libération rappellent que ce sont les civils qui subissent les exactions, telles que le viol comme arme de guerre. Enfin, dans un pays divisé en deux, par un mur, des adolescents espionnent leurs parents. Quelle est leur responsabilité dans une dictature ?
Le STO est une épreuve qui a énormément meurtri Julien : il a travaillé pour l’ennemi et quand il a compris à quelle fin était utilisé le fruit de son labeur, il a craqué. Isabelle est la première à qui il se confie et la souffrance est toujours intense. Le regard des autres n’était pas tendre à la fin de la guerre. Corine Valade parle aussi de ces femmes qui étaient enlevées à la sortie de leurs entreprises et envoyées dans des usines d’armement en Allemagne. Cela se produisait dans les départements qui avaient été annexés par le Reich, comme celui de la Meurthe-et-Moselle… là où j’habite et, pourtant, je ne connaissais pas ce fait historique, qui a été longtemps enfoui.
Isabelle et Julien créent des liens indissolubles. Aussi, la jeune fille se sent prête à affronter sa propre histoire et interroge sa mère et sa grand-mère. Ses découvertes chamboulent son existence. En se confiant, le vieil homme ne transmet pas seulement son histoire, il donne, également, de la force à sa jeune amie. Grâce à lui, elle est préparée à connaître les secrets de sa naissance. L’un se livre et l’autre se délivre. De plus, l’ancien Résistant offre à l’étudiante un havre de paix, un endroit pour se ressourcer : un jardin partagé, comme le sont les souvenirs qu’ils échangent, comme pour enraciner la tendresse qui les unit. Leur relation est émouvante. Le Jardinier du fort alterne entre les années de 1994 à 1996 et deux temporalités plus lointaines : la période de la deuxième guerre mondiale et celle d’après-guerre. Ce sont deux existences et deux voix : celles de Julien et d’Isabelle, qui se réunissent au sein de la grande Histoire. Ces deux êtres blessés se reconnaissent et s’apportent ce qui leur manquait, pour que leur identité soit complète.
J’ai été très émue par ce roman qui vibre d’humanité. J’ai été impressionnée par sa richesse historique et j’ai été bouleversée par ses personnages et leur vécu. J’ai du mal à trouver les mots pour décrire les émotions que j’ai ressenties, car elles sont empreintes du texte, des faits historiques abominables, des sacrifices, de la générosité, des évènements heureux ou malheureux, des non-dits et des révélations, des élans d’amitié et d’amour, du courage, des drames et des bonheurs, de Julien et d’Alexandre et de tous ceux qui se sont battus pour que nous soyons libres, mais aussi de ceux qui ont subi. Tiré d’une histoire vraie, Le Jardinier du fort est un immense coup de cœur pour moi.
Je remercie sincèrement Virginie des Éditions de Borée pour ce service presse.
De la même auteure

Il a l’air tellement fort ce roman.
Et j’avoue que je ne savais pas que des femmes étaient enlevées à la sortie de leur travail et envoyées dans des usines en Allemagne ! Alors je ne sais pas si j’ai oublié ou si je ne l’ai jamais su, mais ça donne froid dans le dos.
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C’est un roman très fort. L’auteure explique l’histoire qui est à l’origine du roman et cela rend les faits encore plus émouvants.
Certaines femmes ont fait le choix de partir en Allemagne et d’autres n’ont pas eu le choix. Elles ont été enlevées, sans pouvoir prendre un sac.
Bonne soirée à toi.😘
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Merci et bon week-end !
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