
Le parfum de l’exil
Ondine Khayat
Éditions Charleston
Quatrième de couverture
« Là où s’épanouit le jasmin se trouve la première clé. »
Tel est le dernier message laissé à Taline par Nona, sa grand-mère, qui l’a élevée, guidée, accompagnée à chaque étape de sa vie. Celle qui lui a appris à reconnaître tout un univers subtil d’odeurs – chèvrefeuille, amande, terre mouillée… – et à les associer pour créer de nouvelles fragrances. Maintenant que Nona est morte, Taline, terrassée par le chagrin, est seule à la tête de l’entreprise de parfums créée par sa grand-mère.
Sous le massif de jasmin du jardin, elle découvre un carnet en cuir rédigé par Louise, son arrière-grand-mère. Au fil des pages, défile sous ses yeux tout un pan de son histoire familiale : le génocide arménien, la peur, l’horreur, l’exil, mais aussi l’espoir et la renaissance. En levant le voile sur les secrets et les traumatismes du passé, Taline souhaite se libérer enfin des cauchemars qui la hantent pour pouvoir vivre sa propre vie.
De Beyrouth à Paris, un roman puissant et empli de poésie, inspiré de l’histoire familiale de l’auteure, qui évoque les liens mères/filles, la transmission des traumatismes et rend hommage à la capacité de résilience de l’être humain.
L’auteure
Ondine Khayat, Française aux origines arméniennes et libanaises, a publié sept romans, dont Le Pays sans adultes, Les Petits Soleils de chaque jour et Debout les vieux ! Elle a initié le premier jeu de grattage humanitaire, commercialisé en 2016 par la Française des Jeux. 22 millions de tickets de « Solidaires Pour un Monde Meilleur » ont été vendus et 2,6M€ ont été reversés au WWF. Elle est également thérapeute et exerce à Paris.
Mon avis
« Elle avait cent deux ans et j’étais certaine qu’elle ne mourrait jamais ». Taline vient de perdre sa grand-mère, qui était comme sa mère et qui l’a élevée. Après les obsèques, elle apprend que Nona lui a légué sa maison de Bandol, dans laquelle elle a des souvenirs heureux. De son vivant, Nona a toujours guidé Taline. Elle lui a enseigné le jeu des odeurs quand elle était petite, car elle avait détecté que la petite avait un odorat exceptionnel. Elle lui a appris à inventer et c’est tout naturellement qu’elle lui a légué son entreprise de parfums. Cependant, elle ne lui a pas dit comment vivre sans elle.
« Là où s’épanouit le jasmin se trouve la première clé. » Par ce message, Nona entraîne sa petite fille dans un jeu de piste. Sous le massif de jasmin, se trouve un petit carnet, le premier de trois. Ils ont été rédigés par Louise, la mère de la défunte. Il relate l’histoire familiale que Taline ne connaît qu’à travers ses cauchemars. Son inconscient porte le poids des souffrances des générations passées. Nona lui offre la possibilité d’affronter le passé familial, mais elle lui laisse la liberté de le refuser. Elle lui met entre les mains ce qu’elle ne lui a jamais confié.
Le premier carnet décrit l’enfance heureuse de Louise, à Marache, en Turquie, auprès de ses parents, de son frère, de sa sœur, et de son grand-père. Ce dernier est un personnage qui m’a énormément touchée. Il est bienveillant. Il a été le guide qui a permis à Louise de se révéler, qui l’a initiée à la réflexion, qui lui a montré la beauté du monde, etc. C’est un être d’amour et de sagesse, il m’a fait pleurer d’attendrissement, puis de chagrin. Ce cahier est également celui qui dévoile le talent de Louise : c’est une magicienne des mots, elle est la « poétesse de Marache », elle pose des mots sur les émotions des autres, elle console et elle rassure avec ses textes, elle aime avec ses vers. Mais les mots ne peuvent pas lutter contre la barbarie.
Le deuxième carnet débute le 24 avril 1915. Six cents intellectuels arméniens ont été arrêtés à Istanbul. Louise a quatorze ans et sa vie plonge en enfer, comme celle de milliers de familles. Le brasier, les marches de la mort, la faim, la soif, le froid, la peur, la barbarie, la destruction des corps et des âmes, des scènes sanglantes : Louise écrit le génocide arménien, qui lui a pris tout ce qu’elle était. Tout, sauf les mots. Ce sont eux qui décrivent et qui rentrent dans notre chair, pour dépeindre l’indescriptible et l’innommable. Ce sont eux qui bouleversent et révoltent. Pourtant, malgré les horreurs, nous entendons leur poésie. Je me suis arrêtée pour contempler la beauté du texte qui exprime la cruauté ; comme une opposition. J’ai été bouleversée par le courage, le dévouement de Louise et par ses sacrifices.
Le troisième carnet est celui des tentatives de reconstruction. Il est celui des espoirs et des traumatismes. Il est celui du don de soi, par les mots, et du refus de se donner en raison du passé. Il est celui de la résilience, mais aussi de la difficulté de survivre. Il est celui qui m’a éloignée de Louise, car certaines de ses attitudes étaient trop proches de celles qui m’ont fait souffrir, quand j’étais enfant. J’ai écouté, j’ai entendu l’origine de ses actes, mais j’ai ressenti la souffrance de la personne qui les subissait. Trop de résonance pour moi. Pourtant, Louise a continué à m’émouvoir… mais la petite fille en moi lui a voulu.
Le récit alterne entre le passé et le présent. Il bâtit un pont entre quatre générations. Il dépeint le poids des souffrances et du silence qui se transmettent de génération en génération. Nona a fait un cadeau à Taline : les clés pour briser la chaîne, afin de se permettre de vivre.
Je dis souvent que les sens les plus importants à mes yeux sont la vue et l’ouïe et que celui qui m’importe le moins est l’odorat. Ondine Khayat m’a initiée aux jeux des odeurs. Elle a ouvert une porte en moi. En effet, j’ai eu l’immense surprise de ressentir les odeurs décrites, de percevoir des émotions positives ou négatives, de les humer et d’y prendre du plaisir.
Conclusion
J’ai frôlé le coup de cœur pour Le parfum de l’exil. Si je n’avais pas versé une part de mes souffrances d’enfant dans ma lecture, j’aurais eu un coup de cœur. D’ailleurs, je pense que je l’ai eu, mais, que par protection, je l’ai atténué lors des passages qui résonnaient trop forts et qui m’empêchaient de comprendre Louise. Le parfum de l’exil est un roman de mémoire bouleversant.
Je remercie sincèrement les Éditions Charleston et l’agence Gilles Paris pour ce service presse.
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