
Les aventures extraordinaires d’un Juif révolutionnaire
Alexandre Thabor
Éditions Temps Présent
Quatrième de couverture
Alexandre Thabor, aujourd’hui âgé de 92 ans, nous livre l’incroyable récit que lui a fait son père, Sioma, il y a quelques décennies : celui de sa vie, de ses idéaux et de son amour pour sa femme. Il lui a notamment raconté son engagement dans certains des plus grands évènements de la première moitié du 20e siècle : la révolution russe, la guerre civile espagnole, l’occupation de la France, la création d’Israël. Un récit époustouflant, épique et sentimental qui nous fait voyager au coeur de l’histoire et des continents. Une aventure intérieure aussi, celle d’un homme qui voit s’effriter et s’effondrer ses idéaux de paix et de fraternité. Préface exceptionnelle d’Edgar Morin (qui n’en fait plus).
Mon avis
La dernière fois qu’il a vu son père, Alec avait huit ans. Lorsqu’il le retrouve vingt-deux ans après, en 1958, ce dernier lui raconte la vie de combats qu’il a menée. Il se confie, également, au sujet de son grand amour, Tsipora, de qui il a vécu séparé, en raison de ses engagements.
L’envie de défendre la liberté et la justice de Sioma est née lorsqu’il avait huit ans après que son meilleur ami, un enfant de son âge, ait été assassiné sous ses yeux, au cours d’une manifestation de grévistes, à Odessa. Sioma et Tsipora se rencontrent, en 1917, pendant la Révolution d’octobre, alors que le jeune homme s’oppose aux Cent-Noirs, un mouvement nationaliste et monarchiste d’extrême-droite. Les deux amoureux doivent affronter la famille de l’adolescente. Les années suivantes sont une succession d’horreurs. Alors que les pogroms s’enchaînent et que les unités antisémites sèment la terreur et massacrent la population, le couple rêve d’une vie de paix et de fraternité. Ils émigrent en Palestine.
Ils croient à une entente judéo-arabe et souhaitent créer une terre binationale. Les conflits de 1924 présageaient déjà du climat actuel. Cette partie m’a fait découvrir des faits historiques que je ne soupçonnais pas et qui éclairent différemment notre monde actuel. Elle m’a semblé difficile à suivre, car les évènements qui se sont déroulés sont complexes. C’est une guerre dans laquelle il n’y a pas de camps méchants ou de camps gentils. Les souffrances, les injustices et les haines sont partout. Ce livre montre que l’Histoire ne nous dit pas tout et que des témoignages comme celui-ci permettent un autre éclairage.
Les deux peuples ont, cependant, un ennemi commun : les Britanniques. Ce sont eux qui condamnent Sioma, à l’exil, en 1936. Il s’engage alors aux côtés des Brigades internationales pour lutter contre le franquisme. Il relate les batailles, les victoires et les défaites. Il dénonce les exécutions sommaires de ceux qui luttent contre le fascisme, par leurs propres chefs, ainsi que les guerres intestines qui parasitent les combats. Il parle à son fils de ces hommes et ces femmes qu’il a rencontrés et leur rend hommage. Il décrit les exactions et les meurtres déguisés en accident. Le roman continue avec son enfermement dans un camp, puis dans celui de Djelfa, en Algérie, le retour en Russie et la création d’Israël. Nous apprenons également le terrible destin de Tsipora, la maman d’Alec, celle que Sioma a toujours aimée et qui l’a toujours aimé.
Dans l’ouvrage, est insérée la correspondance entre Sioma et Tsipora, ainsi que celle entre le père et le fils. Toutes ces lettres expriment un amour immense. Elles sont, également, d’une valeur historique inestimable, car chacun se confie sur les évènements et leur inquiétude pour la paix qu’ils espèrent tant. Elles disent, aussi, leur volonté de vivre leur judéité librement. Elles révèlent l’effondrement des idéaux de Sioma, au fil des horreurs vécues.
Âgé de 92 ans, l’auteur Alexandre Thabor, livre l’époustouflant combat pour la liberté et la justice mené par ses parents. C’est une lecture qui nécessite une attention soutenue, en raison de la complexité des faits et de la multitude de noms qui ont partagé le destin de Sioma, cependant, c’est un document exceptionnel. Il est d’une grande richesse historique et philosophique. De plus, il provoque une réflexion intérieure sur le brasier qui a enflammé notre monde, au fil des guerres, et qui n’est pas éteint. En publiant le récit de son père, l’auteur offre un énorme cadeau de mémoire.
Je remercie sincèrement Babelio et les Éditions Temps Présent pour cette masse critique privilégiée.