
Une famille dans la mafia
Marie-Françoise Stefani
Editions Plon
Quatrième de couverture
Une histoire de violence, de vengeance. Une histoire corse.
Dans cette famille, un soir de novembre 2011, sur le parking d’une résidence cossue, assise à l’arrière d’une voiture, une fillette de 11 ans, Carla-Serena est blessée par plusieurs balles de kalachnikov lors d’une tentative d’assassinat qui vise son père, Yves Manunta, un ancien nationaliste reconverti dans les affaires. À l’avant sur le siège passager, touchée à la hanche et à la cuisse, sa mère va perdre l’usage d’un pied.
Mère et fille portent en elles les stigmates de cette violence, des fragments de balles de kalachnikov que les médecins n’ont pu extraire de leurs corps.
Après cette tentative ratée, la menace continue de planer. L’appartement familial, avec vue imprenable sur le golfe d’Ajaccio, se transforme en bunker. Comme dans le petit village d’Amérique du Sud de “Chronique d’une mort annoncée” de Gabriel Garcia Marquez, où tout le monde sait que Santiago Nasar va être tué, à Ajaccio une macabre rumeur bruisse : Manunta est un homme à abattre. Il sera finalement assassiné le 9 juillet 2012. Déjà en 1996, en pleine guerre entre nationalistes, alors militant nationaliste actif, il avait échappé à 98 tirs de pistolets mitrailleur, et avait gagné un surnom : « Robocop »… Aujourd’hui c’est sur le fils , qui vit désormais loin de la Corse, que pèsent les menaces.
C’est l’étoffe d’une tragédie. La famille Manunta ne semble pouvoir échapper à un destin dramatique.
Des années romantiques du nationalisme aux guerres fratricides, du temps des affaires jusqu’aux dérives mafieuses et affrontements sanglants entre groupes armés, cette affaire de famille illustre la difficulté de l’Etat à esquisser une vérité judiciaire sur une île en proie à la violence, qui n’épargne même plus les femmes et les enfants.
Mon avis
Novembre 2011, en Corse. « Arrêtez, il y a la petite. » Cette phrase est la supplique d’une mère, Angèle Manunta, dont la voiture est assaillie de tirs de kalachnikov. La cible, Yves Manunta, a réussi à s’extraire du véhicule, avec « l’espoir d’attirer les tueurs à sa suite. » (p. 15) Pourtant, les détonations continuent de pleuvoir autour de l’habitacle. Miraculeusement, Carla-Serena, qui n’a même pas onze ans, survit. Son bras a été presque entièrement arraché. Sa mère, quant à elle, restera lourdement handicapée. C’est une vie de traque et de peur qui attend la famille. Yves Manunta est un homme à abattre. Il sera tué le 9 juillet 2012. Sa femme et sa fille vont devoir apprendre à vivre avec une protection policière et Stefanu, le fils aîné, est contraint à l’exil, en raison des dangers qui pèsent sur eux. D’autant plus que la petite a désigné, après l’attaque qui a failli lui faire perdre son bras, un des tireurs. Elle en est certaine, il s’agit de Marc Pantalacci, un garçon qu’elle connaît depuis l’enfance puisque c’était un ami de son frère.
Comment peut-on tirer sur une gamine et sur sa mère ? Marie-Françoise Stefani est journaliste à France 3 Corse. Elle a enquêté sur la genèse de ces crimes. Elle nous plonge dans les arcanes des milieux nationalistes corses. Dans les années 90, Yves Manunta et Antoine Nivagionni, ont créé une société florissante de sécurité, la SMS. Ancien nationaliste reconverti dans les affaires, Yves s’oppose à son ami, au sujet d’affaires troubles, dans lesquelles est mêlée la Chambre de commerce et d’industrie. Une fois, la rupture consommée, les morts des proches des deux camps s’accumulent. Yves Manunta savait qu’un contrat était sur sa tête. Mais ce soir de novembre 2011, il n’a pas respecté les règles de prudence qu’il s’imposait, depuis des mois. C’est un concours de circonstances qui a conduit Yves à être en voiture avec sa femme et sa fille.
En lisant ce livre, nous plongeons dans un monde que nous ne connaissons pas : celui de la mafia. Les ramifications grimpent jusqu’au plus haut de l’Etat. Des questions sont soulevées au sujet des services de renseignement et de certains politiques. Ce sont des rivalités qui se règlent par le sang versé. L’auteure montre la vie de la famille Manunta, toujours en danger, actuellement. Elle explique, également, la difficulté pour la justice de juger les crimes du banditisme. Elle décrit la loi du silence qui règne dans les cours, avec des témoins qui se rétractent, une inspectrice qui refuse de témoigner, des avocats visés par des contrats, une date d’appel, à ce jour, toujours pas fixée, etc.
Ce document retrace l’existence d’une famille toujours sous la menace. Angèle et Carla-Serena vivent entourées de sécurité et savent qu’elles peuvent être visées par une attaque et Stefanu vit, caché, car il sait qu’il est une cible prioritaire. Le livre se termine par la lettre que ce dernier a écrite au Président de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône. Dans ce courrier, il exprime son ressenti personnel et donne sa vision du destin de son père.
Une famille dans la mafia est l’histoire réelle d’une tragédie, bien plus effrayante qu’un polar noir, puisque les faits sont réels.
Je remercie sincèrement Constance des Éditions Plon pour ce service presse.