
Déjà, l’air fraîchit
Florian Ferrier
Éditions Plon
Quatrième de couverture
1946. Hitler est mort, l’Allemagne plonge dans l’abîme.
Elektra, jeune allemande, bibliothécaire-expert pour la SS, attend son jugement par les alliés. En prison, elle revit son existence, hantée par l’absence de son père, et à travers elle, la montée du nazisme, l’occupation en France et la vie parisienne tant appréciée outre Rhin…
Dans une Europe dévastée par la guerre, Elektra tente de diriger sa vie et de s’émanciper.
Témoin privilégié de la voracité des services de spoliation dans l’Europe entière, alors que la défaite semble inéluctable, finira t’elle par prendre conscience de la brutalité de ce monde meilleur pour lequel elle pense œuvrer ?
Un roman puissant et glaçant sur l’exploration de la condition des femmes allemandes diplômées au cœur du système nazi et le sort des livres pendant la Seconde Guerre mondiale.
Mon avis
Janvier 1946. Elektra est prisonnière des Alliés. Les Français, les Américains et les Anglais tentent de reconstituer les crimes commis par le IIIe Reich. Cette jeune Allemande de vingt-six ans attend son jugement : elle risque la pendaison.
Ses choix de vie semblent avoir été influencés par la disparition de son père. L’enquête a été enterrée et les souvenirs de la jeune fille sont enfermés. Elle est la dernière à l’avoir vu et souffre d’amnésie à ce sujet. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle était bibliothécaire-expert pour la SS. Son rôle était de répertorier les livres et de les classer, avant de les envoyer en Allemagne. Ceux qui étaient considérés contraires à l’idéologie nazie étaient détruits, ceux qui avaient de la valeur étaient offerts à Hitler et certains membres des SS détournaient des œuvres. Pour accomplir sa mission, Elektra a été envoyée à Paris.
Comme beaucoup d’Allemands, elle avait une envie de revanche envers les Alliés. Elle pensait que les réparations imposées à son pays, à la suite de la Grande Guerre, étaient responsables de la crise économique qui touchait l’Allemagne. « Oh, elle se moque bien de la détresse des Français, ils ont assez affamé son pays pour ne pas s’apitoyer sur leur sort. » (p. 264) Elle ressentait du mépris pour les Français, qu’elle accusait de s’être rendus sans se battre, en signant l’armistice, en juin 1940. Pourtant, dans cette France occupée, elle est tombée amoureuse de Madeleine.
Pour effectuer son travail, Elektra avait des listes d’auteurs et d’ouvrages interdits par le Reich. L’édition française a été contrainte de collaborer et a censuré, elle-même, certains de ses livres. La jeune fille indique que sa tâche a été compliquée par le ministère de l’Intérieur français qui a ajouté ses propres listes. « Voilà que Pétain et ses partisans tentent d’être plus allemands que les Allemands eux-mêmes. » (p. 460) Elle a ressenti la scission entre deux France : celle qu’il collaborait et celle qui résistait.
Lorsque Elektra a été témoin des exactions commises par les nazis, elle a compris les mots que lui avait cités son amante. Ils sont ceux d’Henry Heine : « Ce n’était qu’un prélude. Et là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes. » (p. 550)
Dans Déjà, l’air fraîchit, Florian Ferrier retrace la montée du nazisme, la France occupée, les territoires envahis par l’Allemagne, les crimes commis contre l’humanité, l’arrivée des Américains et celle des Russes, à travers le regard d’une jeune Allemande, amoureuse des livres. J’ai lu ce livre, animée par un sentiment étrange. Par moments, je m’en voulais de m’attacher à Elektra et j’étais reconnaissante envers l’auteur, lorsqu’il insérait un élément qui me faisait reprendre de la distance avec elle. En effet, ce récit est glaçant. Il montre de quelle manière, un peuple a pu être embrigadé. J’ai établi un parallèle avec la radicalisation et je suis effrayée par la répétition de l’Histoire.
J’ai été impressionnée par la force historique de ce roman. C’est une période courte, étendue sur 667 pages, qui relate tous les aspects de la vie de la jeune fille. S’appuyant sur une documentation gigantesque, l’auteur montre que les crimes n’ont pas été commis que par des monstres haïssables. C’est ce qui fait le plus peur. Dans Déjà, l’air fraîchit, ces criminels réels, tels que Heydrich, Hitler, etc, rencontrent Elektra. Finira-t-elle par admettre la barbarie de ceux pour qui elle œuvre ?
Il est difficile de qualifier ce roman, en raison de l’angle choisi pour traiter ce sujet, à savoir la vision de l’occupant nazi, cependant je peux vous affirmer que c’est un roman magistral. Je vous invite, avec force, à le lire.
Je remercie Constance et Typhaine des Éditions Plon pour ce service presse.