Ohio, Stephen Markley

Ohio

Stephen Markley

Éditions Albin Michel

Traduction de Charles Recoursé

Par un fébrile soir d’été, quatre anciens camarades de lycée désormais trentenaires se trouvent par hasard réunis à New Canaan, la petite ville de l’Ohio où ils ont grandi. 

Bill Ashcraft, ancien activiste humanitaire devenu toxicomane, doit y livrer un mystérieux paquet. Stacey Moore a accepté de rencontrer la mère de son ex-petite amie disparue et veut en profiter pour régler ses comptes avec son frère, qui n’a jamais accepté son homosexualité. Dan Eaton s’apprête à retrouver son amour de jeunesse, mais le jeune vétéran, qui a perdu un œil en Irak, peine à se raccrocher à la vie. Tina Ross, elle, a décidé de se venger d’un garçon qui n’a jamais cessé de hanter son esprit. 

Tous incarnent cette jeunesse meurtrie et désabusée qui, depuis le drame du 11-Septembre, n’a connu que la guerre, la récession, la montée du populisme et l’échec du rêve américain. Chacun d’entre eux est déterminé à atteindre le but qu’il s’est fixé.

À la manière d’un roman noir, cette fresque sociale et politique hyperréaliste s’impose comme le grand livre de l’Amérique déboussolée et marque l’entrée en littérature d’un jeune écrivain aussi talentueux qu’ambitieux. 

« Le cœur de ce premier roman ambitieux n’est pas les grandes déclarations dont il se fait l’écho mais les plus petits moments qu’il dépeint, le portrait sincère qu’il brosse de vies abîmées et contrariées. Car c’est à l’échelle humaine que se révèle la vérité du monde dans lequel nous vivons. » The New York Times

Mon avis

New Canaan. Ohio. Le prélude décrit la cérémonie en l’honneur de Rick Brinklan, un enfant du pays tué en Irak. La procession a des airs d’amateurisme et semble être organisée pour des raisons politiques. Il faut honorer les soldats.

Quatre personnes étaient absentes, quatre camarades de classe qui auraient dû être là. Un peu moins de six ans plus tard, en 2013, ils reviennent, un soir, dans leur ville natale.

Bill Ashcraft est là pour livrer un mystérieux colis. Ancien activiste, il s’est toujours opposé à l’ingérence des États-Unis, dans les conflits du Moyen-Orient. Pendant ses années lycée, la proclamation de ses convictions, contre la participation des Américains à la guerre d’Irak, lui a valu des ennuis. Stacey Moore vient rencontrer ceux qui lui ont fait beaucoup de mal, pendant sa jeunesse, en raison de son homosexualité. Il s’agit de son frère et de la mère de son ancienne petite amie. Dan Eaton a combattu en Irak et en Afghanistan. Il y a perdu un œil et l’amour de celle qu’il aimait. Enfin, Tina Ross est animée par la volonté de se venger de celui qui l’a détruite, dans sa jeunesse. En filigrane, ils nous parlent de ceux qui ne sont pas là : Rick, tué en Irak, Ben, mort d’une overdose et Lisa Han, qui ne communique plus que par message électronique.

A la suite du prélude, le roman est divisé en quatre parties. Une pour chaque natif de New Canaan de passage, ce soir d’été 2013. Chacun navigue entre le passé et le présent. Ils analysent l’impact de leur jeunesse sur leur vie d’aujourd’hui et de quelle manière les cases dans lesquelles ils ont été mis, à l’époque, conditionnent leur existence actuelle. Tous les quatre ont des comptes à régler avec le passé. Celle qui porte le fardeau le plus atroce est Tina, elle qui était surnommée Tina la cochonne. Celui qui m’a le plus touchée est Dan.

C’est une coïncidence que Bill, Stacey, Dan et Tina retournent sur les lieux de leur adolescence, le même soir. Chacun a des raisons différentes d’être là. Ils vont croiser d’autres figures du passé, pas au même moment, mais ces rencontres vont nous apprendre des éléments sur chacun d’entre eux, car ils ont les mêmes relations. A travers leurs actes et leurs personnalités, c’est l’Amérique qui est décrite, sans concessions. C’est la photographie d’une jeunesse qui a changé après les attentats du 11 septembre 2001. Certains d’entre eux ont été sacrifiés sur l’autel de la guerre, d’autres y ont perdu leurs illusions. La crise immobilière et financière a aussi laissé ses marques et New Canaan incarne le désespoir qui en résulte. D’autres encore ont connu l’intolérance et le fanatisme. Les filles ont subi la domination des garçons à qui leur éducation a fait croire qu’ils avaient tous les pouvoirs. Ces derniers ont grandi avec le culte du sport, leur place dans l’équipe leur donnant la conviction d’une supériorité. A l’adolescence, les popularités se font et se défont et subsistent à l’âge adulte. De plus, les personnages portent tous un fardeau, ils ont fait des choix qui les hanteront toute leur vie et avec lesquels il leur faut vivre. La société américaine subit le scalpel acéré de Stephen Markley. « Tout ce qui existe, c’est ce lance-flammes délirant, ce rêve collectif dans lequel nous naissons, voyageons et mourons. » (p. 29)

Conclusion

Même si le prélude m’a plu, il m’a ensuite fallu un peu de temps pour entrer dans l’histoire. C’est aux environs de la centième page que j’ai été happée par Ohio (le livre en contient 540). A partir de ce moment-là, j’ai été passionnée par cette fresque noire et réaliste des États-Unis, d’autant plus qu’un mystère, entoure le passé de cette jeunesse désillusionnée. La trame est conduite par une tragédie, qui se révèle progressivement, et qui tient en haleine. Que s’est-il passé au lycée de New Canaan ? Que contient le paquet mystérieux de Bill ? Les réponses à ces questions sont glaçantes et à l’origine de scènes qui m‘ont foudroyée.

Ohio est un roman puissant que j’ai adoré, une fois qu’il m’a apprivoisée.

Je remercie sincèrement les Éditions Albin Michel pour ce service presse.

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