La Grâce et les Ténèbres, Ann Scott

La Grâce et les Ténèbres. Ann Scott

La Grâce et les Ténèbres

Ann Scott

Éditions Calmann-Lévy

Quatrième de couverture


« Quatre heures du matin et il court, sous la pluie. Il court sous la pluie battante avec la capuche de son sweat relevée, et il se demande si les gens qui nous ont blessé gardent une sorte de pouvoir sur nous pour toujours. »


Musicien, Chris vit la nuit dans un appartement trop grand et presque vide où il tente de composer son premier album. Inspiré par l’engagement de sa mère, climatologue, et de ses soeurs, l’une photographe de guerre, l’autre grand reporter, il cherche aussi à donner un sens à sa vie. 
Jusqu’au jour où il découvre un groupe d’anonymes qui lutte contre la propagande jihadiste sur les réseaux sociaux. Fasciné par leur courage, Chris se lance dans cette cybersurveillance d’un genre particulier. Peu à peu, il voit son quotidien submergé par cette bataille qui l’éloigne de sa musique et de lui-même. Mais comment arrêter sans se sentir lâche ? Et comment retrouver la grâce sans laisser gagner les ténèbres ?

Mon avis

Chris habite dans un appartement trop grand. Il est seul. Il n’a pas même pas de voisins. Seul mais il a une famille qui l’aime ; une famille engagée : sa mère est climatologue, une de ses sœurs est photographe, l’autre est grand reporter. Lui, il est musicien. Il tarde à composer son premier album. Il faut dire qu’il ne subit pas la pression du manque d’argent, depuis un héritage secret. Tout est secret dans sa vie. Surtout la nuit…

La nuit, il fait de la veille terroriste. Il infiltre les canaux jihadistes sur Telegram. Il a rejoint un groupe d’anonymes, la Katiba des Narvalos. Ces hommes et ces femmes, qui ont parfois une vie professionnelle et une famille, œuvrent pour traquer les partisans de Daesh. Leur mission est de relever toutes les informations possibles afin de les transmettre aux autorités, dans l’objectif de déjouer des attentats.

Je n’ai pas dit à mon mari que je lisais un livre sur ce thème. Il ne comprendrait pas, car il sait, que depuis 2015, si ma fille est dans un lieu avec beaucoup de monde, je panique. Contrairement aux Narvalos qui tentent d’agir pour contrer l’innommable, je suis tétanisée face à ce fléau. Je dois, même avouer que ma première pensée, lorsque l’auteure décrit leurs méthodes d’infiltration, a été : « n’est-ce pas dangereux de révéler leurs méthodes ? ». Puis, je me suis dit que si ces personnes s’étaient confiées, c’est que le groupe était passé à une autre étape…

La Grâce et les Ténèbres est un docu-roman. La vie fictionnelle de Chris est mêlée à des faits relatés par des sources vérifiées. Le jeune homme de trente ans raconte de quelle manière, sa vie est vouée à la surveillance des jihadistes. Il a aménagé son logement, qui est de typologie très particulière, pour pouvoir consacrer ses nuits à cette mission. D’autres membres du groupe lui conseillent d’avoir une soupape, mais Chris ne lâche plus prise. La pression est forte : les Narvalos vivent avec la peur de rater des signes sur un attentat annoncé. Un passage m’a profondément marquée : un de ces anonymes relate la chronologie des indices qu’un terroriste avait semés avant de passer à l’acte et que ni les services de renseignements, ni la Katiba, n’avaient interprétés comme tels. L’auteure montre à quel point cela les a traumatisés. Elle décrit aussi la difficulté de lâcher prise : Chris s’interroge sur les moyens de se protéger psychologiquement lorsque l’on est confronté à l’horreur. Son récit est entrecoupé par des bandes audio, sur lesquelles d’autres Narvalos livrent leur vision de cette mission et leur manière de compartimenter leur vie pour ne pas sombrer.

Il est difficile de trouver les mots justes pour parler de ce roman. J’ai l’impression que les termes habituels ne s’accordent pas avec le sujet qui est, hélas, réel. Par exemple, dire que j’ai été passionnée ne me paraît pas adapté en raison des passages glaçants et véridiques, pourtant je ne l’ai pas lâché. Utiliser le verbe « adorer » me dérange et cependant, c’est celui qui me viendrait, spontanément, à l’esprit, mais toujours ce thème… Ce qui est certain, c’est que c’est une lecture marquante, difficile et éclairante. Pour me ménager une petite soupape, une transition avant de dormir, j’ai commencé en parallèle, une de mes lectures-doudou (un tome d’Abigaël de Marie-Bernadette Dupuy).

Le titre est vraiment parfait : La Grâce et les Ténèbres. En effet, nous plongeons au plus profond de l’enfer, en lisant ce qui concerne les Islamistes, mais, Chris recherche la lumière. Alors que j’avais peur que ce livre réveille mes angoisses, il ne l’a pas fait. Quand je l’ai fermé, j’étais meurtrie, mais sereine. Mais j’étais surtout remplie de reconnaissance pour ces anonymes qui côtoient la face maléfique du monde. Grâce à eux, quelques attentats ont pu être déjoués et, grâce à leur infiltration, même s’ils ne peuvent pas l’éradiquer, ils freinent la vitesse de diffusion de la propagande de Daesh, comme le démontre Ann Scott. Ce livre alerte aussi sur les dangers des réseaux sociaux, sur la méthode utilisée pour rendre virale une information fausse. On ressent que l’auteure a fourni un travail de recherche phénoménal.

Conclusion

Si la barbarie traitée dans La Grâce et les Ténèbres n’existaient pas dans la réalité, j’aurais conclu ma chronique de manière dithyrambique, mais mon sentiment de respect envers les victimes de Daesh m’empêche d’utiliser de tels mots. Je ne sais pas comment qualifier ce roman marquant, mais il fait partie de ceux qu’il faut absolument lire.

Je remercie sincèrement Adeline des Éditions Calmann-Lévy pour l’envoi de La Grâce et les Ténèbres.

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