Lettre d’amour sans le dire, Amanda Sthers

Lettre d’amour sans le dire

Amanda Sthers

Éditions Grasset

Alice a 48 ans, c’est une femme empêchée, prisonnière d’elle-même, de ses peurs, de ses souvenir douloureux (origines modestes, native de Cambrai, séduite et abandonnée, fille-mère, chassée de chez elle, cabossée par des hommes qui l’ont toujours forcée ou ne l’ont jamais aimée). Ancienne professeur de français, elle vit dans ses rêves et dans les livres auprès de sa fille, richement mariée et qui l’a installée près d’elle, à Paris.


Tout change un beau jour lorsque, ayant fait halte dans un salon de thé, Alice est révélée à elle-même par un masseur japonais d’une délicatesse absolue qui la réconcilie avec son corps et lui fait entrevoir, soudain, la possibilité du bonheur.


Cet homme devient le centre de son existence  : elle apprend le japonais, lit les classiques nippons afin de se rapprocher de lui. Enfin, par l’imaginaire, Alice vit sa première véritable histoire d’amour. Pendant une année entière, elle revient se faire masser sans jamais lui signifier ses sentiments, persuadée par quelques signes, quelques gestes infimes qu’ils sont réciproques.


Le jour où elle maitrise assez la langue pour lui dire enfin ce qu’elle ressent, l’homme a disparu…
D’où la lettre qu’elle lui adresse, qui lui parviendra peut-être, dans laquelle elle se raconte et avoue son amour. Tendre, sensuelle, cette lettre est le roman que nous avons entre les mains  : l’histoire d’un éveil. Ce qu’Alice n’a pas dit, elle l’écrit magnifiquement. Prête, enfin, à vivre sa vie.

Mon avis

Ancienne professeur de français, Alice a quarante-huit ans et vit, depuis peu, à Paris, à la demande de sa fille. Cette dernière est richement mariée et semble écarter sa mère de sa vie au profit de sa belle-famille. Un jour, la narratrice s’arrête dans un salon de thé. Elle n’a pas vu que c’était, également, une salle de massage. Un concours de circonstances va l’installer sur la table. Personne ne lui a jamais appris à dire non. La rencontre avec le masseur japonais bouleverse sa vie. En effet, l’homme avec qui elle n’échange que quelques mots, en raison de la barrière de la langue, libère sa sensualité et la délivre des chaînes qui l’ont entravée toute sa vie.

Pour pouvoir exprimer ses sentiments à Akifumi, Alice décide d’apprendre la langue de celui qu’elle pense aimer. Elle lui écrit une longue lettre, sans savoir si elle lui fera parvenir. Les cours de japonais lui font découvrir une culture qui lui correspond. Elle s’autorise aussi à livrer les raisons de son mal-être et de son manque de confiance en elle.

J’ai un rapport au corps très difficile et il m’est impossible de me faire masser des pieds à la tête. Je suis sûre qu’Alice en comprendrait aisément la raison. Aussi, j’avais un peu peur de lire Lettre d’amour sans le dire. Cependant, je n’ai ressenti aucun malaise, car les massages sont justement ce qui réconcilie Alice avec elle-même. Ils relient son corps à celle qu’elle est et il n’est plus juste une enveloppe que certains hommes ont utilisée : il fait enfin un tout avec son intérieur.

Dans sa lettre, Alice exprime ce qu’elle ressent pour Akifumi, mais cette missive est aussi une manière d’extérioriser son passé. Elle se confie sur son enfance, avec une mère effacée et un père autoritaire, puis sur son adolescence et sur la naissance de sa fille, alors qu’elle était elle-même encore presque une enfant. Elle décrit son rapport aux hommes qui l’ont très peu respectée. C’est une femme qui ne s’est jamais sentie aimée, aussi sous les doigts du masseur, éclot une femme qui se sent, enfin, digne d’amour. C’est avec beaucoup de pudeur, et avec beaucoup de retenue, qu’elle décrit les souffrances qu’on lui a fait subir. Comme une femme peu habituée à pouvoir s’exprimer, alors qu’elle connaît le pouvoir de la langue française, elle le fait sur la pointe des pieds. Derrière les mots choisis avec soin, les blessures se devinent. Alice les dépose pour se reconstruire.

J’ai été très émue par ce roman épistolaire, empli de délicatesse, de pudeur et de sensualité.

Je remercie sincèrement les Éditions Grasset et NetGalleyFrance pour ce service presse.

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