Orléans, Yann Moix

Orléans
Yann Moix
Éditions Grasset

Qui a lu l’œuvre publiée de Yann Moix sait déjà qu’il est prisonnier d’un passé qu’il vénère alors qu’il y fut lacéré, humilité, fracassé.
Mais ce cauchemar intime de l’enfance ne faisait l’objet que d’allusions fugaces ou était traité sur un mode burlesque alors qu’il constitue ici le cœur du roman et qu’il est restitué dans toute sa nudité.


Pour la première fois, l’auteur raconte l’obscurité ininterrompue de l’enfance, en deux grandes parties (dedans/dehors) où les mêmes années sont revisitées en autant de brefs chapitres (scandés par les changements de classe, de la maternelle à la classe de mathématiques spéciales).


Dedans : entre les murs de la maison familiale.
Dehors : l’école, les amis, les amours.


Roman de l’enfance qui raconte le cosmos inhabitable où l’auteur a habité, où il habite encore, et qui l’habitera jusqu’à sa mort, car d’Orléans, capitale de ses plaies, il ne pourra jamais s’échapper.


Un texte habité, d’une poésie et d’une beauté rares, où chaque paysage, chaque odeur, chaque mot, semble avoir été fixé par des capteurs de sensibilité saturés de malheur, dans ce présentéisme des enfants martyrs.


Aucun pathos ici, aucune plainte, mais une profonde et puissante mélancolie qui est le chant des grands traumatisés.

Mon avis

Cette chronique a été écrite le 7 août 2019.

Ce livre est divisé en deux parties. Dans la première, Yann Moix relate les maltraitances physiques et psychologiques qu’il a subies durant l’enfance et dans la deuxième, il décrit son comportement à l’extérieur de chez lui. Les deux sont construites de la même manière : un chapitre par an, de la maternelle aux études supérieures, dans lequel il décrit des événements marquants de l’année en cours. Ce déroulement chronologique n’est pas surprenant. Souvent, un enfant martyrisé date les violences en se souvenant de la classe dans laquelle il était. Évidemment, les souffrances infligées par ses parents empiètent dans la description de la vie en-dehors du domicile familial.

Un fil conducteur est présent dans les deux parties. Il s’agit de la littérature, de la découverte de la lecture à l’écriture de ses romans, en passant par les premiers émois littéraires et ces auteurs qui n’ont jamais quitté son cœur. C’est un cri à ces livres qui sauvent tant d’enfants quand ils vivent l’enfer chez eux. Et même cela, on a souhaité lui retirer.

C’est le deuxième livre que je lis de Yann Moix (ma chronique sur Rompre est ici). Je note un point commun entre les deux : l’auteur est lucide sur ses attitudes et ne fait preuve d’aucune complaisance envers lui-même. Il n’embellit aucun de ses actes. Un autre lien entre les deux est l’écriture qui me transporte. Son écriture très imagée me séduit et j’apprécie de rechercher certains mots dans le dictionnaire, tout en étant accessible. La plume est belle et m’enrichit. Par moments, elle devient exaltée et j’ai aimé les émotions que cela a déclenchées en moi.

Enfin, j’ai été sensible aux souffrances de l’enfant qu’était Yann Moix. J’ai été révoltée par ses géniteurs, mais aussi par tous ces adultes qui n’ont pas vu, qui n’ont pas tenté de comprendre les appels à l’aide de ce petit, qui l’ont jugé sur ses attitudes sans en chercher la cause. Je ne sais que trop bien que c’est une réalité. J’ai compris cet adolescent qui croit trouver l’amour en chaque fille qu’il croise, cette quête perpétuelle d’affection et de reconnaissance.

Conclusion

Ce livre a, évidemment, résonné en moi. Yann Moix se livre entièrement. Ce qu’il dépeint est horrible, mais la manière de le faire est belle. C’est une lecture que j’ai adorée alors que le sujet est très douloureux pour moi. Certaines scènes sont dures, mais n’oublions pas que quand nous avons mal en lisant la souffrance d’un enfant, celui-ci a encore plus mal en la subissant.

Je remercie sincèrement Netgalley et les Éditions Grasset pour ce service presse.

6 commentaires

  1. Pas pour moi. Les reproches qu’a à faire l’auteur à ses parents… ça ne me dit vraiment rien du tout. Ça me rappelle un certain « Merci pour ce moment » que je n’ai bien évidemment pas lu. Ce sont des règlements de comptes, et je ne vois pas très bien en quoi celà peut intéresser la lectrice que je suis. Ceci étant dit, je ne suis pas du tout insensible à la maltraitance, bien loin de là. Mais l’auteur, qui soit dit en passant, fait preuve de beaucoup d’agressivité autrui, n’a pas, moyennant une certaine somme bien sûr ! À me prendre à témoin. Je trouve étonnant, vu le personnage, qu’il ne s’adresse pas directement aux personnes concernées.

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    1. Coucou Christine,

      Il est possible que face à ses parents, il redevienne un petit garçon sans défenses et n’est plus le polémiste des médias.

      Je pense que si l’auteur était une personnalité moins clivante, le livre susciterait moins de réactions. Beaucoup de témoignages sont publiés et les lecteurs ne se sentent pas pris en otage. Le revers, c’est que l’on entend moins parler de ces livres que de celui de Yann Moix.

      Comme tu le dis, on peut être sensibilisé à la maltraitance sans avoir envie de lire de livres sur le sujet. La première raison qui m’a donné envie de lire ce roman, est que j’ai adoré le précédent de l’auteur. Son écriture me plaît énormément et me touche. Elle est à l’opposé de ce que j’avais imaginé.

      Gros bisous, Christine.😘

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      1. Ce que tu dis est très juste Valmy. Il est fort possible que face à ses parents, il redevienne un petit garçon. Je dois reconnaitre qu’il y a de ma part un peu de parti pris😅. Je le trouve parfois tellement agressif envers ses invités, je n’ai jamais oublié la façon dont il a reçu Michel Onfray. J’étais outrée. Ni ce qu’il s’est permis de dire aux policiers qui témoignaient de la peur qu’ils avaient désormais à exercer ce métier. Ils s’excuse toujours après, mais quand-même ! On ne peut pas faire preuve de si peu de respect envers autrui, et passer son temps à dire qu’on regrette. Donc oui, si je dois vraiment faire preuve d’honnêteté, il y a du parti pris😅 Quoiqu’il en soit, je te remercie Valmy pour ta chronique 😘😘😘

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      2. Coucou Christine,

        Je comprends ce que tu veux dire.

        En lisant ce livre, j’ai eu envie d’écouter l’enfant Yann Moix et de faire abstraction de l’homme.

        Pourtant, il y a des auteurs que je n’ai pas envie de lire en raison de ce qu’ils représentent. Aussi, je comprends qu’il puisse y avoir un frein.

        Bisous.😘

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